Perplexe, de Marius von Mayenburg, par Frédéric Bélier-Garcia

PerplexeQuelle réalité nous entoure si ce n’est celle que chaque individu se créait. Il s’agit alors de mesurer l’écart et les infinies possibilités entre notre perception de la vérité et ce qui est réellement. Bien inspiré par l’allégorie de la Caverne de Platon, Marius von Mayenburg, met en situation des personnages aux rôles interchangeables, chacun propulsé en un claquement de doigt dans une nouvelle situation.

L’idée est pertinente car elle interroge l’homme sur sa conception du monde et sur sa capacité à remettre en question tous ses acquis, en bouleversant les codes et la normalité. Ainsi, il ne faut ni se fier aux apparences, ni se rattacher aux règles, ici, inexistantes. Malheureusement, cette réflexion philosophique est maladroitement représentée dans la mise en scène, ainsi qu’à travers la scénographie et la direction d’acteur.

Dans Perplexe, certains passages tendent plus vers un comique vaudevillesque à défaut d’une analyse plus profonde. Les scènes s’enchainent de manière trop abrupte, manquant de cette subtile finesse qui créerait le doute chez le spectateur. Quitte à chambouler les codes, autant pousser le vice jusqu’au bout. Or, au lieu de faire évoluer les personnages progressivement, dans une ambiguïté ambiante, les comédiens enchainent les rôles et les situations, cassant alors toute la pensée intellectuelle du texte. La dimension psychologique est effacée au profit de l’apparence et de la représentation. Même si les acteurs sont justes, surtout Valérie Bonneton et Christophe Paou qui creusent davantage, ils manquent cruellement de résonnance et de sensibilité.

De plus, certains passages qui se veulent spirituels et profonds, n’en sont que ridicules et frôlent une incohérence sans succès. Il s’agit de montrer l’absurdité humaine mais le mécanisme des scènes se transforme en un jeu plat et répétitif, une sorte de farce qui ne dépasse pas la hauteur du bocal à poissons. Quant au décor, il est tristement dépourvu d’ambivalence et d’inventivité, pas une ombre d’incertitude ou d’intérêt qui susciterait la curiosité et le doute du public.

Enfin, même si le metteur en scène pousse le paradoxe jusqu’à la fin de la pièce, il ne s’agit que d’une mise en abîme supplémentaire du théâtre, certes constructive mais légèrement cliché. Il y a pourtant certaines références brillantes et suggérées, notamment sur la musique de Strauss avec le poème d’Eichendorff et avec Le Gai savoir de Nietzsche, qui tendent vers une envie d’approfondir la mise en scène de cette pièce.

Théâtre du Rond-Point

Perplexe, écrit par Marius von Mayenburg, mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia

Avec Valérie Bonneton, Samir Guesmi, Christophe Paou, Agnès Pontier

Jusqu’au 5 janvier 2014

 

Retrouvez cet article sur l‘Huffington Post

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