Après La Gioia, avec lequel Pippo Delbono signait une traversée onirique et fracassante, en hommage à l’un de ses acteurs, Bobò, fidèle compagnon disparu, le metteur en scène italien revient au Théâtre du Rond-Point avec Amore, un voyage musical et lyrique.
Pour Pippo Delbono, le plateau de Théâtre est le lieu d’une liberté sans règles. Une scène de l’intime et de l’expiation de ses névroses et de ses douleurs. Avec Amore, il explore la nécessité d’aimer et la peur provoquée par ce sentiment omniprésent si puissant. Entre attraction et rejet il se sert de sa rencontre avec le Portugal et le fado pour exprimer la complexité de ce sentiment riche et complexe.
Transmis par deux guitaristes et deux chanteurs époustouflants, le fado reflète bien ce sentiment lié à la saudade, à la nostalgie et la tristesse. Le rythme envoûtant de la musique, associé à des voix chaudes transmet une passion sans limite. La douleur et le manque de l’autre se font ressentir.
Pippo Delbono place le partage au cœur de ses spectacles. Il détruit sans vergogne le quatrième mur et créait des moments de cohésion avec le public. Il est nécessaire de s’ouvrir et d’apprécier d’être ensemble, car l’autre est tout ce qu’il nous reste dans ce monde violent, sans saveurs. L’autre est la vie, l’autre est la réalité et sans l’autre, le désespoir et l’attente, presque beckettien, trouvent leur place.
Son travail se rapproche de celui d’Angélica Liddell dans cet investissement de la scène comme lieu de révélation et d’expiation de son intimité et de ses névroses. Angélica Liddell créait des parallèles fictionnels, Pippo Delbono est davantage dans de l’anecdotique très personnel. Il nous dévoile sa vie privée avec humour et dérision, mais toujours à travers des textes sensuels et organiques. Il créait aisément des espaces mentaux portés par un lyrisme qui reflètent la beauté, parfois impalpable, de notre monde.
Ses spectacles sont aussi célèbres pour leur esthétique sans égal. Des scènes décousues s’enchainent souvent avec cadence. Il y a parfois des incohérences, des incompréhensions. Pippo Delbono dit lui-même que dans son travail, le but n’est pas de trouver un sens, de déterrer un fil rouge. Il faut simplement vivre l’instant et se laisser porter par cet univers singulier, à la fois kitsch et majestueux. Le public découvre des tableaux vivants aux images magistrales foudroyantes, presque sacrées. Le rythme, les costumes, les postures, tout le style est parfaitement étudié pour faire naître l’émotion et créer de l’étonnement et de la stupeur.
La poésie d’Amore reste pourtant suspendue aux lèvres du metteur en scène. Elle peine à s’immiscer dans la mise en scène trop factuelle. La force de Pippo Delbono de s’être entouré d’une troupe fidèle unit par la passion et l’amour, se reflète moins que dans ses autres spectacles.