C’est au Théâtre de L’Atelier que vous pouvez découvrir la première mise en scène française des Enfants, de Lucy Kirkwood par Éric Vignier. The Children, a reçu le Prix de la meilleure pièce aux Writers’ Guild Awards 2018. Une comédie de mœurs grinçante sur fond de satire écologique.
Hazel et Robin, deux scientifiques à la retraite, mènent une vie saine, ponctuée de yoga et d’alimentation vegan, dans leur cottage isolé en bord de mer. Suite à une catastrophe nucléaire, le monde s’effondre autour d’eux. Des kilomètres autour de la centrale sont sinistrés et ceux qui y travaillent sont exposés à des radiations mortelles. Rose, une ancienne collègue, refait alors surface avec une proposition effrayante : intégrer son équipe et retourner à la centrale pour prendre la place de la jeune génération.
Avec Chimerica, Lucy Kirkwood explore avec finesse et suspense les relations politiques entre les États-Unis et la Chine. Dans Les Enfants on retrouve sa verve engagée et cet humour noir qui allège même les plus grandes catastrophes mondiales.
L’autrice dramatique interroge la question de l’héritage d’une terre polluée léguée aux générations futures. La responsabilité et l’engagement d’une génération avancée, de ceux qui ont déjà bien vécu, face à une nouvelle génération en construction, pleine d’espoir et de projets à venir. En toile de fond cette pièce offre une réflexion tardive sur la mort. Doit-on accepter de laisser sa place et tirer le rideau de fin au nom d’un engagement moral ? Doit-on renoncer à ses propres plaisirs, à ses perspectives, pour permettre aux plus jeunes de jouir sur le long terme de ces mêmes plaisirs ? Des plaisirs difficiles à sacrifier car souvent mérités après une vie de labeur… Pour prendre ces décisions les personnages doivent accepter de se confronter à la réalité de leur quotidien et cesser de se raccrocher aux illusions entretenues.
Lucy Kirkwood se rapproche des auteurs anglais, à la Denis Kelly ou Sarah Kane qui partent d’une situation quotidienne pour basculer lentement vers une crise existentielle, un chamboulement irréversible. Quel dommage que cette réflexion et ce point de basculement arrivent trop tard dans le texte et dans le spectacle. Dans sa mise en scène Éric Vignier intègre pourtant des moments de tension sous-jacents avec des sons alarmants et une luminosité chancelante qui annoncent la catastrophe. Le décor lui-même transpire la récupération et l’apocalypse.
Le parti pris scénographique manque pourtant de clarté. Ce recyclage des matériaux n’est pas immédiatement perceptible. Même si l’engagement est louable et fort il en ressort davantage un espace disparate et incohérent.
Cécile Brune est une Hazel remarquable. Elle souffle le chaud et le froid avec aisance. Tantôt roc, tantôt fébrile, elle donne vie à cette retraitée résistante et la dote de multiples facettes. À ses côtés Dominique Valadié, assez figée, créait pourtant ce malaise croissant et sourd. Frédéric Pierrot apporte de la gaieté et de l’espièglerie mais surtout de la souplesse à ce trio sur la voix de l’implosion ou de la réunification…