Le dernier jour du jeûne, écrit en 2014, est le deuxième volet d’un cycle commencé en 2009 avec Pénélope ô pénélope. Avec ce texte Simon Abkarian conserve sa place de poète des temps modernes. Actuellement au Théâtre de Paris, il signe une mise en scène ensoleillée, entrainante et conviviale.
Dans ce spectacle, Simon Abkarian rend hommage à ses origines méditerranéennes et aux tragédies grecques, à travers une tragicomédie de quartier où les femmes jouent un rôle de premier plan, tout en se confrontant à ce qui leur est imposé par la tradition. Comme dans beaucoup de ses pièces, l’auteur remet en exergue le point de vue féminin. Ici les femmes sont représentées dans toute leurs diversité. Tout le talent de l’auteur metteur en scène réside dans son entremêlement entre drame et humour, poésie et langage populaire. Même s’il est souvent dans la démesure, Simon Abkarian parvient à doser parfaitement ce subtil mélange, sans tomber dans le cliché ou la caricature. Il est avant tout question de grande littérature et de profonds sentiments.
« De tes cendres, il ne naîtra que des cendres. Rien d’autre n’en surgira, ni oiseau céleste, ni même un malheureux pigeon. Consume-toi, brûle jusqu’au bout de ton être, si le vent le veut, le vent t’emportera. De toi il ne restera rien sinon une poussière qui fera pleurer les yeux de ceux qui t’aiment. Tu t’inquiètes de l’incendie qui ravage le château de ton cœur ? Mais c’est toi qui tiens la torche. Tu es seule avec ton mal et tu craches sur le remède. « , Astrig
On gueule, on crie, on exagère, on parle à l’unisson. N’en déplaisent aux clichés, mais il n’y a aucun doute, nous sommes bien dans une ville du sud. Parfois tout n’est que brouhaha et crêpage de chignons mais pourtant…au milieu de ce joyeux bordel, naissent des instants suspendus. L’écriture coule dans les veines de Simon Abkarian qui éclaire l’humanité tout entière. Il nous plonge au plus profond des émotions et interroge la pensée. Il offre au Théâtre toute la force de joie et de réflexion qu’il mérite. Il fait de la scène un espace intime et collectif, un lieu coloré et inspirant. La beauté de ce metteur en scène réside aussi dans son amour du comédien et de l’ensemble. Dans le bonheur du partage ! Habitué à l’esprit de troupe, propre au Théâtre du Soleil, la choralité, le groupe, cette famille unie est au cœur de son travail. Dans Le dernier jour du jeûne, nous retrouvons Catherine Schaub-Abkarian, Assaad Bouab, Ariane Ascaride, de talentueux comédiens, habitués à être dirigés par Simon Abkarian.
Au-delà de l’auteur dramatique, Simon Abkarian est avant tout metteur en scène. Un rôle, dans lequel, une fois de plus, il s’impose brillamment. La mise en scène est cet art de la cohésion et de la fluidité. Tel un chef d’orchestre, au-delà de la direction des comédiens, le metteur en scène doit créer un tableau vivant et amener le monde sur un plateau de Théâtre. Dans Le dernier jour du jeûne, Simon Abkarian ramène le sud dans un Paris hivernal et pluvieux. Italie, Grèce ou autre village méridional, il embarque le spectateur dans un voyage vivifiant et énergisant. Il le reconnecte avec sa part de sacré et de croyances. L’atmosphère toujours festive et réjouissante est soutenue par des danses et de la musique qui déracinent et galvanisent. La mise en scène est précisément menée et cadencée. Les transitions pêchent souvent au Théâtre. Ici l’enchainement des scènes est d’une fluidité et d’un naturel incomparables.
Le plaisir de la vie illumine la salle tout entière.