Le Nid de cendres, de Simon Falguières au Théâtre de la Tempête

Il y a maintenant un an, Le Nid de cendres, de Simon Falguières, célèbrait mon retour au Théâtre. Un retour en fanfare au Théâtre de la Tempête. Une claque régressive et poétique !

Un an plus tard presque jour pour jour, le texte de cet odyssée dramatique est publié chez Actes-Sud. Un hommage au Théâtre, dans toute sa splendeur et sa nécessité, à dévorer avant de retrouver le spectacle dans son intégralité à la FabricA pendant le Festival d’Avignon du le 9, 10, 12, 13, 15 et 16 juillet à partir de 11h00.

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Simon Falguières, auteur, metteur en scène et comédien, construit ce projet fou d’écrire une épopée théâtrale pour ses amis comédiens de la Classe Libre, des Cours Florent. Après plusieurs années à jouer ce spectacle en extérieur, un passage dans les centres dramatiques nationaux et le Théâtre du Nord, Le Nid de cendres, pose ses bagages au Théâtre de la Tempête. Confrontés à une année de disette théâtrale, nous renouons avec la scène pour un spectacle de 6h, avec 16 comédiens, 56 personnages et 240 costumes. Un come-back ambitieux et prometteur !

Sur le plateau, deux mondes en péril, deux moitié d’une pomme, qui ignorent leurs existences mutuelles. D’un côté, l’Occident et de l’autre, un monde de contes. Un héros, issu de chacun de ces mondes, tentera de partir à la rencontre de l’autre, pour secourir son univers. En Occident, Jean et Julie ont un enfant prénommé Gabriel. Un soir, ils reçoivent la visite de Monsieur Badil, une figure diabolique et intimidante, qui leur apprend que les machines de la finance se détraquent. Le peuple, désemparé face à tant de débordements, se rebelle et brûle absolument tout. Jean et Julie s’enfuient pour échapper à l’anarchie et abandonnent Gabriel pour lui sauver la vie, près d’une roulotte de comédiens. Dans le second monde, celui des contes, la reine se meurt et tous les arbres perdent leurs feuilles. Une nuit, le roi rêve qu’un homme, issu d’un autre monde, pourrait sauver son royaume. Il décide d’envoyer, par delà les mers, sa fille Anne pour le trouver. Perdus entre rêves et réalité, c’est tout l’univers de Queneau et des Fleurs bleues, qui se rappelle à nous. Vingt années plus tard, nous retrouverons Gabriel dans les cendres de l’Occident.

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Dès les premiers instants, nous plongeons dans une langue et un style percutants. Nul doute, Simon Falguières est un véritable poète. Les dialogues sont sublimes et l’ivresse au rendez-vous. Pas de superflu, ni de longueur, le verbe est parfaitement travaillé et créait un équilibre et une fluidité étonnants. Le plus délectable est cet art du conte, cette façon si régressive de raconter des histoires et de nous reconnecter avec une liberté et une magie oubliées. Simon Falguières s’empare de toutes les cartes du Théâtre. Entre thriller psychologique, farce et drame, il nous fait voyager aux côtés de Molière, de Shakespeare et de Vilar, tout en faisant la part belle aux comédiens, résistants et persistants, face au chaos et à l’oubli.

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La mise en scène est précisément orchestrée, tout s’enchaine et rien ne se ressemble. Au-delà de deux époques, ce sont deux esthétiques qui se font face, avec des décors, des costumes et un univers sonore et lumineux, qui nous emportent. Le Théâtre déploie ici tout son pouvoir de séduction et d’immersion.

Simon Falguières nous raconte des histoires, mais ces mondes ne sont pas sans nous rappeler certaines de nos problématiques : montée de la violence, attentats, racisme, peur de l’autre, crises écologiques et financières. Ici les personnages se mobilisent et se battent pour sauver ce qu’ils leur restent d’humanité. Ils tentent de guérir leurs maux et réenchantent le monde.

Le Nid de cendres est écrit pour des comédiens que Simon Falguières connait bien. C’est un acte de résistance et de poésie, porté par une troupe talentueuse, une famille dont l’osmose se ressent sur scène. Malgré les 56 personnages, les comédiens parviennent à créer des reliefs, des couleurs et des gouffres innombrables. Mention particulière à Mathias Zahkar, un comédien hypnotisant, tant dans sa gestuelle que dans son âme. Il revêt le costume d’un équivoque et renversant Monsieur Badil et celui d’un jardinier du Roi, tordant et attendrissant.

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