Porteur d’un univers visuel puissant, avec Les Possédés d’Illfurth, le Munstrum Théâtre se prête au seul en scène et ose le dénuement scénique total. Tout repose sur Lionel Lingelser comédien magistral qui porte avec grâce l’engagement et la poésie, signatures de cette Compagnie singulière.
Habitué aux écritures contemporaines fortes, pour Les Possédés d’Illfurth, le Munstrum Théâtre collabore avec Yann Verburgh, auteur dramatique saisissant. Pour ceux qui ne le connaissent pas il faut lire Ogres, une pièce bouleversante qui propose un voyage au coeur de l’homophobie. Un texte qui dresse un état des lieux d’une discrimination qui exclut socialement, qui tue directement ou indirectement, qui existe sous toutes sortes de formes et dont toutes les formes provoquent douleurs et souffrances.
Pour Les Possédés d’Illfurth, l’auteur s’inspire de l’enfance de Lionel Lingelser et de l’histoire de Joseph et Thiébaut Burner, deux enfants possédés par des démons dans le petit village d’Illfurth, au sud de l’Alsace. Deux esprits infernaux, habitaient en chacun des enfants, jusqu’à ce que l’Eglise procède à leur exorcisme.
« Le 25 septembre 1865, apparaissent chez les deux garçons des symptômes franchement anormaux. Couchés sur le dos, ils se mettent à tourner sur eux-mêmes, comme de vraies toupies, avec une rapidité effrayante … Puis ils s’en prennent violemment aux lits et aux meubles de la maison, avant de connaître des contorsions des membres inférieurs, des convulsions et des violentes attaques de nerfs, puis tombent, pour plusieurs heures, dans un tel état comateux qu’on les croit morts. »
125 ans plus tard, Illfurth est le terrain de jeu d’Hélios, 10 ans, avatar fantasmé du comédien Lionel Lingelser. Il parcourt le village avec son épée de bois comme un royaume féérique, il en connaît chaque recoin. La ferme de son grand-père, qui le terrifie, était celle où Joseph et Thiébaut ont été possédés. C’est là qu’il joue avec Bastien, qui devient le monstre aux mains griffues qui prend possession de son corps. L’exorcisme d’Hélios sera le théâtre, l’outil salvateur de la libération de la parole face à l’abus, qui lui permettra de retrouver possession de lui-même.
Car c’est bien de possession dont il est question. La possession de l’autre, la possession par l’autre, la possession ou la dépossession de soi-même. La possession dans son rapport à autrui, aux légendes mais aussi dans son rapport au Théâtre et au métier de comédien. Démarre alors pour Hélios, timide Scapin, dirigé par un metteur en scène double supposé d’Omar Porras le directeur du Teatro Malandro, la quête du duende ! Un concept qui est cher au poète andalou Federico Garcìa Lorca. Le comédien doit trouver ce moment de grâce, prendre tous les risques pour transcender les limites de la créativité et atteindre une sorte de transe, d’envoûtement qu’il communique au spectateur.
Lionel Lingelser trouve le duende et ne le lâche pas ! Mais qui dompte qui ? Ce comédien est un diamant brut au talent et à la sincérité folle. La fougue et le désir d’habiter la scène occupent tout son esprit et tout son corps. Il offre un flot intarissable de rires, de larmes et croque le présent jusqu’à la dernière miette. Dans une recherche de vérité et de sincérité perpétuelle il embarque le public dans une folle aventure si intime et tellement universelle.