La Comédie de Caen est à l’initiative d’une série de portraits, à retrouver dans toute la France. Il s’agit de créations itinérantes, portées par un ou deux acteurs. Ces portraits proposent un regard sur un auteur, un artiste, un intellectuel, un scientifique, une personne au parcours atypique. À partir d’œuvres, de biographies, d’entretiens, les portraits croquent de manière vivante et ludique une figure majeure de notre temps.
C’est au 11 Gilgamesh pendant le Festival OFF d’Avignon que se joue Portrait de Raoul, de Philippe Minyana, mis en scène par Marcial Di Fonzo Bo. Un portrait qui se penche sur l’histoire personnelle et artistique de Raoul Fernandez, un comédien hors du commun.
Après le décès de leur fils adoré, les parents de Raoul attendaient une fille mais le destin leur offre de nouveau un fils. Durant toute son existence entre le Salvador et Paris, Raoul naviguera parmi les corps, passant avec délice du masculin au féminin. Il raconte qu’il conservera toujours une enveloppe masculine et une âme féminine. À une époque où la question du genre, terrain souvent glissant, fait des étincelles Philippe Minyana la traite avec finesse, liberté et naturel.
Natif du Salvador Raoul Fernandez se forme à la couture grâce à une mère aimante aux doigts de fées. Il découvre le Français en apprenant toute l’œuvre de Molière par cœur. Un apprentissage qui le décidera à quitter son Amérique centrale, pourtant si chère à son cœur, pour rejoindre Paris, la ville du Lilas et de tous les possibles. Arrivé dans la capitale de l’amour il y fera trois rencontres décisives qui marqueront son destin et le révèleront à lui-même.
Il croise le chemin de Raúl Damonte Botana, dit Copi. Un romancier, dramaturge et dessinateur argentin francophone, figure majeure du mouvement gay. Clin d’œil amusant quand on sait que depuis 2000 le metteur en scène Marcial Di Fonzo Bo monte l’intégrale de Copi. Raoul sera sa couturière pendant plusieurs années. Il débarquera à l’Opéra de Paris, dirigé par Rudolf Noureev, considéré comme l’un des plus grands danseurs classiques et l’un des plus grands chorégraphes de son temps. Viendra ensuite le temps de Stanislas Nordey, illustre metteur en scène dont il sera l’habilleuse. C’est cet homme qui lui fera frôler le plateau de Théâtre pour qu’il ne le quitte plus jamais. Il fait ses premiers pas d’acteur et ressent un frisson et une inspiration inexplicables. Une émotion et un tremblement qui le mèneront jusqu’au metteur en scène franco-argentin Marcial Di Fonzo Bo.
Ce spectacle est un voyage tendre et drôle autour de cet artiste singulier et solaire qu’est Raoul Fernandez. Il déambule sur une scène colorée, très Almodovar et partage avec les spectateurs sa réflexion sur le bonheur, l’art de l’acteur, la grâce et la passion. Ce comédien transpire la joie, la transmission, le rire et le plaisir. Raoul Fernandez est un être qui croque la vie à pleine dents et qui embarque tout une salle avec délice dans son intimité la plus profonde.