Le théâtre est un genre fascinant dans sa capacité à confronter subtilement différents arts, et à créer une palette d’ambiances spécifiques. Dans Demain il fera jour, un vent de cinéma balaye la scène du Théâtre de l’Oeuvre, un goût de mystère et d’inquiétude, qui nous rappelle vivement le huis clos théâtral d’Ozon dans Huit femmes. Intérieur bourgeois, à la décoration feutrée et confinée, les trois personnages échangent au sein d’un cocon étouffant mais préservé de la violence extérieure reliée à la fin de l’Occupation.
Appartement figé, l’atmosphère d’abord légère et grotesque, prendra rapidement une tournure menaçante qui se déversera dans toute la salle. Les jeux de lumières parviennent à eux seuls, à instaurer un climat de crise et d’angoisse, proche du film noir. L’affolement et les regrets dominent le couple et leur offre des airs de héros tragiques. Riche avocat préservé de la guerre et prêt à tout pour sauver sa peau, Michel Fau interprète avec un certain charisme ce père trop égoïste, incapable d’aimer un fils exemplaire et volontaire. Revêtant également le rôle de metteur en scène, il semble s’être dirigé vers un mélange de tableaux et de pauses presque statiques. Le décor aurait pu être en noir et blanc tant la mise en scène donne une impression de clichés qui défilent.
Le personnage du fils, même si il est peu présent et assez lisse, semble être le plus abouti. Loïc Mohiban maitrise parfaitement son jeu et fait preuve de nuances contrôlées et convaincantes. Reste alors le dernier personnage de ce trio bancal : la mère. Une femme seule, une mère éperdument attachée à son fils, d’un amour insatiable, à la limite de l’asphyxie. Malheureusement, ce personnage qui apparaît comme le plus complexe et torturé, offrant une grande liberté d’interprétation, une recherche tournée vers des méandres psychologiques, est écrasé et presque ridiculisé, sous le poids du jeu caricatural de Léa Drucker. Ni son ton, ni ses gestes, ne semblent naturels et spontanés, tout est calculé, surfait, il n’y a aucune place pour le ressenti sincère et l’émotion à l’état brut. Froide et tout en surface, elle incarne plus une figure illustratrice qu’une âme maternelle et protectrice. Cette mise en scène aura néanmoins mis à l’honneur Montherlant, à une époque où l’intérêt de son écriture et le contexte de son récit, peuvent enfin trouver sens.
Théâtre de l’Oeuvre
Demain il fera jour, écrit par Henry de Montherlant, mise en scène de Michel Fau
Avec Michel Fau, Léa Drucker,Loïc Mohiban et Romain Girelli
Du 21 mai au 30 juin 2013
Retrouvez ma critique sur l’Huffington Post