Fractures, de Linda Mc Lean par Stuart Seide

fractures« Parce que moi j’avais seulement envisagé d’avoir mal. Vu qu’il y en a un qui fait mal. Et l’autre. A qui on fait mal ». Cette tirade de May résume à merveille le ton de Fractures, écrit par Linda Mc Lean et sélectionné par Théâtre Ouvert dans le cadre de « Tapuscrit ».

Il s’agit du Théâtre que nous aimons profondément, tant il nous touche ; de ce Théâtre humain, le Théâtre de la vie qui respire et bat à la même vitesse que notre cœur. Point de scénographie abusive, nul besoin de représentation pour signifier un espace dont l’aura repose sur les êtres et les âmes qui l’occupent et le colorent. Ainsi, l’intrigue est centrée sur le personnage de May, dans ses rapports aux différents hommes qui parcourent sa vie. Comportement atypique, âme sensible et fragile, corps hésitant et paroles brutes émanent de cette femme au secret inavouable.

A travers ce type de mise en scène, Stuart Seide a voulu confronter les actes passés à la réalité présente, examiner les traces laissées par le temps. Comment parvenir à avancer malgré les fantômes atroces qui nous hantent ? Comment ne pas faillir sous le poids du passé, condamné au silence ? Tout semble suggéré ; ni May, ni les hommes n’osent réellement s’approcher les uns des autres. Les rapports sont secs, sans retenue, mais les émotions restent enfouies et les corps distants et nerveux. Une tension est palpable car tout semble sous-jacent, prêt à exploser au moindre dérapage.

Les interprétations des comédiens sont brillantes, frôlant l’incarnation bouleversante, proche de la folie. Les acteurs traduisent à merveille la complexité de la relation à l’autre et excellent dans la perte de contrôle. Toujours dans une évolution perpétuelle, juste avec la force des mots, ils évoquent les limites de l’humain et surtout sa difficulté à avancer, tout en gérant l’obscurité qu’il y a en chacun d’eux. Ces bribes de noirceurs et de drames que nous traînons et qui nous enchaînent si fort que nous tentons de les briser en dépassant nos peurs.

Malgré tout, le mur de l’incompréhension subsiste entre les personnages qui, par crainte de souffrance, ne se dévoilent qu’à demi. Il est si dur d’apprendre à s’accepter et à s’aimer avant de pouvoir aimer et atteindre l’autre en lâchant définitivement les armes.

Théâtre Ouvert

Fractures, écrit par Linda Mc Lean, traduction de Blandine Pélissier et Sarah Vermande, mise en scène de Stuart Seide

Avec Eric Castex, Bernard Ferreira, Maxime Guyon, Jonathan Heckel, Sophie-Aude Picon, Alain Rimoux

Du 20 mars au 13 avril 2013

Retrouvez ma critique sur l’Huffington Post

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