« L’échec ne rend pas l’effort dérisoire »
Dans Hannibal, Bernard Sobel s’en remet au pouvoir de la poésie de Grabbe, à cette volonté de poursuivre ses objectifs, dans un monde dépourvu d’illusions. Propos à la résonnance contemporaine, utilisant l’Histoire comme matière première, il s’agit plutôt du témoignage d’un homme, que d’une pièce historique. Les scènes s’enchainent, nous contant avec clarté et dynamisme, la ténacité de ce héros carthaginois qui poursuivra son combat sur les terres étrangères, qu’importent les obstacles et les échecs pressentis.
La force épique et la symbolique de ce texte reposent avec triomphe sur le brillant éventail de comédiens, qui défilent sous nos yeux, empruntant les peaux de différents personnages. Treize comédiens, dont l’intriguant Jacques Bonnaffé, et deux comédiennes qui se retrouvent légèrement écrasées sous le poids de tant de charisme masculin et de stratégies guerrières.
Déjà éblouis dans Amphitryon à la MC93, nous saluons à nouveau le travail de direction d’acteurs de Sobel ainsi que la parfaite cohésion entre ces multiples personnages, tous précisément distincts et singuliers. Chaque rôle est convaincant, la moindre posture étudiée, les expressions maitrisées et les voix prennent alors le contrôle de tout le Théâtre de Gennevilliers, traçant un chemin sans failles jusqu’en Asie Mineure. Une pensée particulière pour Laurent Charpentier qui interprète avec caractère et panache, le personnage plein de tensions du Général Publius Scipion, machine de guerre déterminée et déterminante.
La puissance de ces comédiens, aurait alors suffi à sublimer la poésie de Grabbe. Nous regrettons la scénographie un peu usée, quoique représentative d’une atmosphère étrangère. Ces maisons en papier peints, qui descendent se poser sur la scène, afin de créer du volume, renvoient trop à une réalité concrète et lointaine. À une époque, certes représentative du contexte de l’histoire d’Hannibal, mais qui floute alors davantage, les intéressantes résonnances avec notre période actuelle. Cette scénographie fige la pièce dans un espace-temps bien précis, avec une volonté bien assumée, qui pourtant freine les différents niveaux de lecture et rend la pièce à quelques moments, trop didactique.
Certaines scènes suscitent cependant des réflexions intemporelles et remettent en cause des idées établies. La mort engendrée par le suicide, nous apparait comme la décision ultime de l’homme qui prend le pas sur ce dernier recours, sur cette fin en soi. La provoquer et prendre le contrôle sur sa destinée, rend l’homme maitre de toute action, vainqueur jusqu’au bout de ce qu’il acceptera et combattra sans illusions.
Hannibal, texte de Christian Dietrich Grabbe mise en scène de Bernard Sobel
Avec Sarah Amrous, Jacques Bonnaffé, Romain Brosseau, Eric Castex, Pierre-Alain Chapuis, Laurent Charpentier, Jean-Claude Jay, Simon Gauchet, Claude Guyonnet, Yann Lefeivre, Vincent Minne, Anaïs Muller, François-Xavier Phan, Tristan Rothhut, Gaëtan Vassart.
Jusqu’au 3 octobre 2013
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