Malgré son jeune âge, Régis de Martrin-Donos a compris que la force du théâtre résidait, avant tout, dans la capacité des comédiens à porter un texte sur la scène. Le Garçon sort de l’ombre est une pièce écrite pour les acteurs, un texte pensé pour la scène et l’interprétation. Cette histoire, à première vue assez banale, renferme une part de mystère retranscrite à travers toutes les névroses des personnages. Sylvain Dieuaide excelle dans ce rôle d’adolescent égaré et sous pression, tiraillé entre sa soif de liberté et ses impératifs quotidiens. Il oscille avec fluidité entre un besoin d’indépendance et la retenue, dure à maîtriser, de sa curiosité pour l’extérieur. Ce personnage ambigu, perdu entre désir et réel, est brillamment interprété, à la limite de l’incarnation troublante, proche de la folie contrôlée. Malgré leur dizaine d’années d’écart, Sylvain Dieuaide s’est emparé de Jean dans les moindres replis de son corps et lui offre une personnalité énigmatique et intrigante qui entraîne le spectateur dans cette atmosphère pesante où le drame semble sous-jacent. Accompagné par la vitalité de Virginie Prada qui renforce la dynamique de la scène du Théâtre de Poche, nous découvrons la sublime interprétation d’une mère manipulatrice et étouffante, une femme aux allures de Médée qui se perd dans ce fils qu’elle détruit à petit feu, tentant de l’attirer dans sa toile séquestratrice. Toujours en hommage au théâtre et aux comédiens, le duo Sylvain Dieuaide et Marc Arnaud nous rappelle celui du dealer et du client de Koltès. Ici, avec plus de violence et de clarté, Marc Arnaud personnifie avec habileté, ambivalence et charisme, ce puissant maître du jeu, en quête de l’autre qu’il finira par toucher en gagnant la partie. Homme libre et sans états d’âmes, il annonce l’arrivée d’un chaos proche. Reste le personnage de la fille de joie dont le jeu de Sophie Lequenne est juste, mais trop fade, pas assez sinueux et profond comparé aux trois autres comédiens.
Ce trio de tête qui fait la force de cette pièce semble avoir été dirigé, avec précision et rigueur par Jean-Marie Besset qui nous offre, au-delà d’un jeu éloquent, une mise en scène vivante et toujours pertinente, permettant aux comédiens d’envahir les différents espaces avec un équilibre maîtrisé. Les contraintes du Théâtre de Poche imposent un décor minimaliste mais, cependant, représentatif d’un certain univers. La psychologie des personnages devait revêtir davantage de résonance lorsque la pièce fut créée au Théâtre des 13 Vents, à Montpellier, dans un désir de distinguer les espaces intérieur et extérieur afin d’aboutir à une confusion scénique, en cohérence avec la dérive psychique de chacun. Le Garçon sort de l’ombre est donc porté par de convaincants et séduisants comédiens qui subliment le texte et lui offrent une intensité et une volonté d’expression remarquable de persuasion.
Théâtre de Poche-Montparnasse
Le Garçon sort de l’ombre, écrit par Régis de Martrin-Donos, mise en scène de Jean-Marie Besset
Avec Virginie Pradal, Sylvain Dieuaide, Sophie Lequenne et Marc Arnaud
Jusqu’au 28 juillet 2013
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