Fidèle à cette interrogation sur l’être, propre aux œuvres de Beckett, avec Glückliche Tage (Oh les beaux jours), Stéphane Braunschweig est parvenu une fois de plus, avec brio et subtilité à allier questionnements humains et extravagances émouvantes.
Magnifique interprétation de Claudia Hübbecker, une Winnie attachante et farfelue, nous offrant une parfaite performance vocale de 1h40, pendant laquelle, toujours statique, elle se dévoile et tente d’accepter sa tragique monotonie. Juchée au sommet d’un mamelon bleu, immobile, seul son buste dépasse de ce faux jupon semblable à un cratère de l’espace.
Chaque matin, elle s’adonne à ses rituels habituels, chaque geste étant répété avec la même exactitude que la veille. Ainsi sont rythmées les journées de cette femme prisonnière de sa solitude et dont le mari presque muet, ce transparent Willie, daigne errer quelque fois au pied de sa colline. Une solitude imposée qui nous questionne sur le sort de ce curieux et excentrique personnage qui n’a pour seule arme, que le déni. Répétant une chorégraphie quotidienne, elle tente de tromper le temps et de rester active en ce monde. Mais sans communication ni conflit avec autrui, ce monde existe-t-il encore?
Comme toujours chez Beckett, l’absurdité est omniprésente. Elle contribue à l’étrangeté, à l’humour, mais fait aussi écho à une forme de résistance humaine. Résister devant la vérité, se voiler la face pour continuer à exister et à vivre. Autant de questionnements qui nous interrogent sur les limites de l’endurance humaine, mais aussi sur le courage, sur cette difficulté à affronter la réalité.
Beaucoup d’émotions survolent ce paysage graphique. Une scénographie très esthétique et de goût, dans laquelle l’écran symbolise l’absorption de cette femme. Comme figée entre deux mondes, dans une sorte de no man’s land, elle pourrait être une représentation virtuelle, sans souffle, ou bien encore, le fruit de notre imagination.
Glückliche tage (Oh les beaux jours), de Samuel Beckett, traduction de Erika et Elmar Tophoven, mise en scène de Stéphane Braunschweig
Avec Claudia Hübbecker et Rainer Galke
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