Deux siècles plus tard, Philippe Calvario offre un vent de modernité à Marie Tudor de Victor Hugo. Dans une mise en scène entraînante et une scénographie rock and roll, il n’entache en rien le propos de ce drame du 19e et rend hommage à son intemporalité. Le public du Théâtre de la Pépinière se prépare alors à une aventure poignante et émouvante celle d’une errance amoureuse pleine de surprises.
Apparaît Marie Tudor, reine d’Angleterre qui oscilla entre raison d’état et passion dévorante. Figure centrale de cette histoire d’amour et de trahisons. Un amour inconditionnel malgré les tromperies et les mensonges. L’amour est toujours présent, il persiste et creuse des sillons innombrables à l’intérieur des corps. Peu à peu, la figure d’état s’effacera pour ne montrer que la femme éperdue, qui sans amour, s’éteindrait et sombrerait. Cet amour, cet amant, ce Fabiano Fabiani haï de tous est sa raison de vivre, celui qui l’anime. Mais il est aussi le traître qui a osé l’offenser et dont la Cour et le peuple veulent voir tomber la tête. Autour de ce duo, se mêleront d’autres intrigues et conspirations qui n’auront pas d’autres moteurs que l’amour et la vengeance.
Quel sera l’écart entre le cœur et le rang? Une reine peut-elle se rendre insensible et résistante à ses désirs afin d’honorer sa couronne? Que vaut son pouvoir personnel face à celui de l’Etat? Hors du château, le pardon est-il envisageable pour la promise qui a commis l’impureté? L’amour, ce sentiment universel sans foi ni loi, triomphera-t-il de tout?
Toutes ces interrogations trouveront leur cheminement à travers douze comédiens splendides d’investissement, de fougue et de passion. Ils font rayonner Victor Hugo et atteignent, comme celui-ci le souhaitait: « Le grand et le vrai, le grand dans le vrai, le vrai dans le grand ». Cristiana Reali bouleversante de facettes a su pourvoir la reine d’un aspect manipulateur, mijauré et cynique, presque capricieux, allié à un romantisme sans faille. Une reine sûrement plus tendre et davantage libérée que la véritable reine, dans laquelle demeure une femme qui brûle d’amour et d’envies folles. Une femme perdue et incapable d’exister sans la passion et le regard de l’autre. Cet autre interprété par Jean-Philippe Ricci, fascinant de fougue et de charisme animal. L’amant et le traître idéal se rencontrent sous cette carrure intrépide. Il incarne à merveille ce Don Juan charmeur et inébranlable, cet audacieux qui fait tourner la tête de toutes celles qui le croisent. Saluons également tous les autres comédiens qui constituent une belle fresque humaine et historique, pleine d’ardeur.
Le spectateur est immergé au cœur du propos, avide de connaître la tournure des évènements. Une curiosité et un éveil qui sont stimulés par la mise en scène cadrée dans laquelle tout s’enchaîne parfaitement, de manière fluide et logique, dans un espace qui retient l’attention. Cette modernité du propos est alliée à une scénographie ingénieuse, usant de panneaux mobiles, très esthétiques et design, apportant une actualité et un engagement renforcés par la musique rock et le noir, couleur fétiche des décors, qui annonce de mauvais présages.
Marie Tudor, texte de Victor Hugo mise en scène de par Philippe Calvario
Avec Cristiana Reali, Jean-Philippe Ricci, Jean-Claude Jay, Philippe Calvario ou Benjamin Guillet, Régis Laroche ou Pierre-Alain Leleu, Jade Fortineau, Anatole de Bodinat, Stanislas Perrin, Pierre Estorges, Robin Goupil, Valentin Fruitier, Thomas Gendronneau
jusqu’au 25 avril 2015