
Les tyrans politiques, une histoire antique que Jean Racine revisitait avec « Britannicus ». Quatre siècles plus tard, Stéphane Braunschweig, le nouveau directeur de L’Odéon, s’empare à son tour de Néron, le monstre naissant. Il choisit d’installer sur la scène de la Comédie-Française une ambiance élyséenne mais les comédiens, très appliqués, ne prennent pas beaucoup de risques.

© Brigitte Enguerand
Une belle fresque contemporaine. Une leçon sur les détenteurs du pouvoir et un avertissement contre les jouissances de la puissance. Dans la même veine qu’Ivo Van Hove, avec « Kings of War », Stéphane Braunschweig met en lumière l’avidité à gouverner. Il joue entre visible et invisible, passant du public à l’intime. La pièce se déroule dans un décor contemporain: une salle de réunions officielles, moquette rouge, longue table, chaises de conseil des ministres. Les murs sont gris et froids. Aucun objet de décoration mais une structure scénique innovante et discrète. De part et d’autre de la salle de réunion, sont disposées des portes blanches déclinées en quinconce. Les murs sont escamotables en fonction de la confidentialité ou du secret des propos. Qu’assume-t-on au regard de tous? Que dissimule-t-on? Plans perfides, conflits d’intérêts et luttes de pouvoir.« J’embrasse mon rival mais c’est pour mieux l’étouffer. »
Pour sa première mise en scène au Français, Stéphane Braunschweig insuffle une modernité qui fait écho à notre système politique. Novice, elle aussi, au sein de cette grande institution, Dominique Blanc, une Agrippine réfléchie et tempérée. Face à la peur d’une déchéance proche, elle conserve son aplomb et ne faiblit jamais. Elle apparaît pourtant dépourvue de ce vice et de ce désir de domination qui ronge le personnage. Laurent Stocker offre à Néron son aspect juvénile et hésitant. Capricieux et immature, consumé par sa volonté d’accéder au trône. La paranoïa semble absente de son jeu, un élément déterminant dans ses doutes et ses actes meurtriers. Stéphane Varupenne qui incarne Britannicus mêle douceur et désir de justice de manière un peu lisse. A ses côtés: Junie, dégoûtée par les complots qui l’entourent. Georgia Scalliet en fait une femme sombre et fragile, consciente et résignée.
Britannicus, de Jean Racine – mise en scène Stéphane Braunschweig
Paris – Comédie Française, jusqu’au 23 juillet 2016
Retrouvez cet article sur « Des mots de minuit » sur la Culturebox de France TV