Le jour des élections est arrivé et aucun électeur ne se présente au bureau de vote. Le maire et les intervenants qui le secondent, mettent ces absences sur le compte de la pluie battante. Ils apprennent pourtant que le phénomène s’est répandu dans tout le pays. Les électeurs finiront tous par voter, en masse, à la dernière minute. Au moment des résultats, les ministres, déjà au champagne, car certains de leur réélection, sont sous le choc : la quasi-totalité de la population a voté blanc. Consternés et persuadés d’un complot, ils décident de mener une enquête afin de trouver le responsable, meneur de cette plaisanterie grotesque. Jamais ils ne perçoivent cette alerte comme la manifestation d’une insatisfaction face à leurs propositions politiques. Ils ne remettent jamais en question leurs responsabilités. Les ministres ne pensent qu’à leur ego et à leur réélection personnelle. Loin d’imaginer et de comprendre que ce vote blanc est une revendication des citoyens, ils prennent cet acte de contestation comme une attaque ciblée et une vaste humiliation. La démocratie et la prise en compte de la population, passent aux oubliettes et laissent place à un système à la dérive, focalisé sur la conscience et les enjeux de pouvoir de chacun.
Un beau reflet exagéré et cliché de ce qui constitue un des visages de la politique d’aujourd’hui. Un dispositif, qui, dans notre réalité, ne prend pas en compte le vote blanc, peut-être par peur du soulèvement et du degré de protestation qu’il révélerait. Mais qui s’adonne par ailleurs à ces guerres de puissance et de triomphes individuels. Qu’en est-il de la démocratie et du droit de parole ? Ici, il disparaît au profit de la panique et du chaos.
Le sujet, pourtant brûlant d’actualité, est effleuré et nous restons frustrés, sur notre fin. La concentration se fait sur le microcosme politique qui se dégrade, avec en parallèle des flashs journalistiques et la traque d’un responsable. Il est pertinent de montrer la capacité du gouvernement à se dédouaner et l’énormité de leurs discours aberrants. Mais au-delà de l’absurde, qu’en est-il du fond et de la valeur de cet acte de rébellion ? Qu’est-ce que cela dit profondément de notre vision du gouvernement ? En dehors d’un constat de lutte pour l’exclusivité et la domination, que nous connaissons déjà, quel bilan en tirons-nous ? Ce réel sujet de société qui est mis sur la table, s’échappe et disparaît dans les marasmes d’une histoire caricaturale et sans intérêt. Les personnages fuient la réalité mais s’enfoncent trop dans le comique pour que cette fuite ait du sens et reflète un mal social. Nous assistons à la naissance d’un déluge théâtral, qui malgré ce qu’il laisse penser visuellement, ne se mouille pas plus que ça.
La prise de position du divertissement sur un sujet aussi grave et sensible, fige les comédiens dans des personnages définis et allégoriques. Le comique réussi à certains comme Caroline Arrouas. Il est pourtant difficile, outre chez Noémie Develay-Ressiguier et Grégoire Tachnakian, d’apercevoir les fils de l’humain, du comédien, qui contribuent au charme et au façonnage du personnage.
La mise en scène de Maëlle Poésy est très dynamique, astucieuse et représentative du déluge psychologique. L’eau, avec la pluie, d’abord extérieure, s’engouffre à l’intérieur du Ministère. Plus la pression monte, plus le débit d’eau augmente, piégeant davantage les ministres, obligés de quitter le navire. Des panneaux sur roulettes, permettent de créer rapidement différents espaces et de rétrécir les murs au fur et à mesure de l’étouffement et du vide.