Se rendre à un spectacle de la metteuse en scène Emma Dante, c’est accepter de lâcher le mental et les attentes pour libérer son instinct, dans l’instant.
Fervente de la nudité comme objet originel dénué de tous parasites, elle présente un théâtre dans lequel l’abandon trouve tout son sens.
Dans Bestie di Scena, découvert au Festival d’Avignon, puis au Théâtre du Rond-Point, quatorze comédiens sont mis à l’épreuve. Etre toujours en action, aller au-delà de ses limites, dans un rythme effréné et répétitif. La répétition est un procédé cher à Emma Dante, qui déjà, dans Le Sorella Macaluso, faisait rejouer sans cesse, la disparition traumatique d’une des sœurs. Ici, les comédiens, dans leurs habits du quotidien, démarrent groupés et synchronisés. Ils effectuent un échauffement, suivi d’une chorégraphie très précise, tous en chœur, dans une cadence presque militaire.
C’est au moment du dénuement qu’ils ont accès à la liberté et au rien. Un vide qui se remplira de leurs singularités et de leurs forces de vies, de leurs présences. Là est toute la force et la beauté du travail d’Emma Dante, qui parvient à rendre le dépouillement si riche et si sincère. Nous oublions cette nudité, nous attachant aux caractéristiques de chacun, avec simplicité et tendresse.
Les corps sont éprouvés par la gymnastique de cette performance. Sans cesse distraits par des éléments perturbateurs, les comédiens invitent l’humour au sein de leur troupeau solidaire. Des accessoires, amenés par le destin, atterrissent sur scène, vaste terrain d’imagination et de jeux. Un bidon d’eau, une serviette longue de plusieurs mètres, une poupée, un fleuret, des pétards, des boites à musiques, des cacahuètes…autant d’objets qui viseront à réveiller chez chacun d’entre eux un fantasme endormi.
À ce grand théâtre de la vie, s’ajoute les lumières de Cristian Zucaro qui sublime les volumes et les courbes des corps, offrant à ce spectacles des airs de scènes picturales.