Peau d’Âne, la fête est finie, de Marie Dilasser par Hélène Soulié au Théâtre Public de Montreuil

Dans la continuité de Blanche Neige, Histoire d’un prince, Marie Dilasser poursuit son travail d’écriture autour de la réinvention du conte qu’elle confronte aux problématiques contemporaines. Sa dernière pièce de théâtre jeune public Peau d’Âne, la fête est finie est construite en collaboration avec Hélène Soulié qui la met en scène au Théâtre Public de Montreuil. Un spectacle sur le fil du rasoir de la violence, porté par des comédiens mordants et une esthétique cinématographique.

Ce spectacle s’inscrit dans une époque empreinte du mouvement #metoo et d’une libération de la parole autour des violences et notamment celles perpétrées sur les enfants dans leur cercle familial. (Pour les moins sensibles, je vous renvoie au compte Instagram d’André Bescond). Ici Marie Dilasser mêle habilement l’univers des contes et de la fable à un point de vue moderne et tout en finesse. Les mots qui blessent et déchirent ne sont jamais prononcés ce qui rend l’horreur plus terrifiante et brouille les pistes du réel. Cette approche subtile montre comment surgissent l’interdit et l’irréparable au sein d’un quotidien normal en apparence. Une manière de mettre en avant le point de vue de l’enfant et sa perception de ce qui est interdit ou autorisé dans ses relations aux autres. Car dans ce spectacle comme souvent dans la réalité, ce sont les autres, l’extérieur qui réveillent les limites du consentement. 

Sous nos yeux l’intérieur d’une maison bourgeoise immaculée de blanc dans laquelle règne l’ordre et une propreté maladive. Pas de place pour la saleté dans ce cocon dans lequel semble régner la paix familiale. Ici la mère ne meurt pas. Elle prépare la recette de son fameux cake d’amour et quitte son mari avant la fin de la cuisson. Elle laisse son « coeur », sa fille, auprès de son père, cet être pilier censé protéger et veiller sur son enfant. Un père éditeur qui se transforme en Roi porc et dévore des yeux le corps de sa fille. Un père qui joue au jeu de se marier avec sa fille.

 « Un Papa – Le Roi Porc fait vibrer la chair soulève les tapis fait sortir les cadavres de tous les placards. Le Roi Porc donne une fougue une méchante envie de vivre un appétit colossal et contagieux. Le Roi Porc dévore la vie avec rage moi aussi je vais tout dévorer tes jambes ton ventre tes yeux tes reins ton foie ton cœur ! … C’est un jeu. Je joues. » – Peau d’Âne , la fête est finie – de Marie Dilasser aux Solitaires Intempestifs

Pour échapper à ce jeu dangereux, l’enfant décide de partir à la recherche de sa mère en compagnie de son acolyte Monique Bergamotte. Une peluche d’âne un peu punk qui pour l’occasion prend forme humaine. Surgit devant nous un personnage mi âne mi queer qui préfère être nommé Francis et se genrer au féminin. Embarqués dans une auto tamponneuse ils rencontreront la Moche qui dort dehors, figure moderne de la Belle au bois dormant qui protège la forêt des affres des hommes. Ensemble ils aideront l’enfant à sortir du silence et à révéler ses secrets dévorants pour que justice lui soit rendue.

Hélène Soulié créait un univers photographique très stylisé. Au sein de la maison, les gestes sont millimétrés et mécaniques, les objets bougent tout seul et la maison toute entière vit au rythme d’une cadence parfaitement orchestrée. Les comédiens créaient des personnages loufoques et charismatiques. Entre rêves et cauchemars, la vidéo apporte une part de troubles et de dissimulations. Les costumes construisent un univers décalé un peu freaky à la Tim Burton et n’enlèvent rien à l’enchantement.

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