La Grande Dépression, de Raphaël Gautier mis en scène par Aymeline Alix au Théâtre de la Tempête

En s’emparant de La Grande Dépression, de Raphaël Gautier au Théâtre de la Tempête. Aymeline Alix met en scène avec brio une fantaisie historique, une hallucination documentée qui n’est pas sans nous rappeler les extrêmes d’aujourd’hui. Fictif mais corrosif, ce spectacle bouscule, amuse et interroge les causes de notre impuissance politique actuelle.

@Arnaud Bertereau

Sur les planches de son théâtre mental, un personnage dépressif confronte les remèdes médicamenteux qui lui sont proposés aux remèdes collectifs apportés, dans les années trente, à la Grande Dépression. Sur un continent, Walter Disney veut avaler toute la réalité dans un univers enchanté. Sur un autre continent, des nationaux-socialistes mettent en musique une terrifiante utopie. Les deux empires se regardent, se rejettent et s’attirent. 

Il ne sera donc pas question de sonder son histoire personnelle mais de s’en remettre à l’Histoire avec un grand « H ». Intime et collectif se bousculent pour mieux mettre en lumière la conséquence des relations passées. Un monde malade dans lequel la fantaisie et l’art contribuent à leur manière à la montée du fascisme. Des créateurs de rêve et d’idéologie que tout semble opposer et qui pourtant marchent côte à côte. De quoi contaminer les générations futures sur plusieurs siècles. Une manière détournée pour le personnage principal de s’écarter de ses névroses pour trouver un refuge et des causes dans une fiction qui le dépasse. 

« Je vois la trousse.
Je vois l’antisèche.
Je vois Mickey
La Croix Gammée
La Grande Dépression.
Et voyant ceci
(L’antisèche la trousse mickey la croix gammée la grande dépression mes antidépresseurs)
Soudain
Dans ma gorge
Une boule
Grosse volumineuse
Pousse
Une boule noire
Qui empêche ma respiration
Une boule qui enfle
Une montgolfière
Qui veut s’évader
Mais qui
Avant de s’envoler
Sortir de ma bouche
Prend feu
S’écroule
Postillon noire
Boule de feu coincée dans la poitrine
Empêchant d’expirer
« – La Grande Dépression, de Raphaël Gauthier

La pièce reste donc une fantaisie théâtrale, une traversée qui crée des parallèles temporels et met en lumière un système qui continue de broyer l’être humain. Comment échapper à la domination de la liberté et à la montée des extrêmes ? Un sujet d’actualité engagé, une question que se pose également Salomé Saqué dans son dernier essai « Résister ».

@Arnaud Bertereau

On découvre toute une galerie de personnages qui compose le « Théâtre magique » de cet anti héros dépressif : des musicologues nazis, des coloristes de dessin animé, Monsieur Disney, Mickey Mouse, Simba, Adolf Hitler, des projectionnistes aveugle et même des planètes errantes.

Une fresque dense qui requiert une imagination et un rythme parfaitement cadré. La mise en scène d’Aymeline Alix s’équilibre parfaitement entre satire, burlesque et comique. La scénographie épurée mais efficace est basée sur des accessoires savamment choisis et des costumes symboliques et très illustrateurs. Quant aux comédiens ils campent avec humour et sens du détail chacun de leur personnage. Mention particulière à Stanislas Roquette dont l’énergie et le charisme nous embarquent avec lui dans cette grande fresque théâtrale !

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