Vous aimez explorer les microcosmes humains. Pour Big Bang il s’agissait de l’évolution de l’homme, ici dans Swamp Club, d’une réflexion sur l’art comme utopie.
Même si Big Bang était plus abstrait et questionnait la création au sens large du monde, cela a toujours été au centre de notre travail. Je mets souvent en scène des artistes depuis le début de la compagnie. Dans La Démangeaison des ailes, des gens dans un atelier questionnaient l’envol avec beaucoup de références à l’Art et à sa pratique, à l’importance pour l’humain, de s’engager poétiquement. Dans L’Effet de Serge, c’était la mise en scène concrète d’un artiste, organisant des performances d’une minute pour ses amis dans son appartement, chaque dimanche à 18h… J’ai donc plutôt l’impression qu’il s’agit de la suite d’une longue aventure de dix ans, qui parle toujours de la même chose, mais cette fois, avec plus de gravité autour d’une menace qui pèse sur les artistes. Une pièce construite comme un conte fantastique, sur le besoin de se regrouper et de croire ensemble. Comment organiser un micro monde utopique. C’est aussi la suite d’une épopée qui nous a fait nous engager sur un long chemin avec le groupe du Vivarium Studio, depuis dix années.
Quelle place idéale la société devrait-elle accorder à l’Art ?
Elle en accorde, mais ce sont des questions variées selon les pays et les cultures. Nous avons la chance en France d’avoir une culture publique. La place de l’art et de la recherche, doit être fondamentale, elle est un endroit de liberté, de savoir, de sens, de désir. C’est aussi un art qu’on voit de plus en plus menacé car il y a une valeur économique de quantification, de rentabilité qui produit de la peur et réduit l’audace. L’art fait partie de ce domaine, qu’on épluche, qu’on étudie, qu’on contrôle, qu’on canalise, dont on juge le devenir ou pas, très vite.
Dans Swamp Club l’humour et la dérision sont une façon de dénoncer quelque chose ?
J’ai souvent utilisé le dérisoire pour essayer de parler de ce que je ressens. J’ai toujours utilisé la voie d’un humour parfois noir, un peu ironique et mélancolique. C’est une caractéristique de notre travail depuis plusieurs années.
Je pense surtout à la mine de pépites d’or, qui n’est pas un choix anodin.
Ce sentiment de liberté qu’on pourrait avoir en tant qu’artiste, de ne plus rendre des comptes, serait formidable si on trouvait des pépites d’or aussi facilement. Le « Swamp CLub » est une microsociété, qui peut s’imaginer croire en l’Art pour ce que ça représente, débarrassée alors de certaines contraintes, sans pour autant être passif, lascif. L’or est étonnant car ce n’est pas moins qu’un gros caillou, auquel on a attribué une valeur incroyable. On a trouvé cet élément dans la fable pour que le spectacle parle aussi de la liberté.
Vous sortez des codes du Théâtre institutionnel, du texte. Il n’y a pas que des comédiens, mais aussi des danseurs, des musiciens, des plasticiens. Swamp Club est-elle une pièce ou également une performance ?
Je pense que c’est vraiment du Théâtre, il y a pleins de manière d’en faire. C’est un choix personnel que les acteurs aient l’air de ne pas y toucher et progressent. Il s’agit d’une écriture de plateau où tout est inventé grâce à l’équipe qui mélange des genres différents. Je me suis toujours senti proche des écrivains de plateaux qui construisent la scène et osent s’en emparer, comme les chorégraphes. J’ai par ailleurs fais des installations mais j’aime le théâtre dans ce qu’il touche et ce qu’il convoque avec le public. Ce sont des pièces qui voyagent et qui constituent un répertoire. On a eu beaucoup de tournées à l’étranger et la question de ce qui fait ou non théâtre s’est moins posée qu’ici. Je pense qu’aujourd’hui le public est curieux de découvrir d’autres univers, il y a d’autres voies à explorer. On a un art théâtral très vif en France.
Vous avez fait les Arts Déco, beaucoup de projets de scénographies. Vos pièces sont très visuelles.
J’aime déployer des mondes sur scène. Je crois beaucoup à la puissance de l’imagerie scénique, qui plonge les spectateurs au cœur d’un univers complet. Un centre d’art sur pilotis, contient beaucoup de la fragilité ou de la force de la pièce, selon sa perception. J’ai toujours été fasciné par des mises en scène qui s’emparent du plateau. J’ai été scénographe pendant une dizaine d’années pour des metteurs en scène. Je ne sépare pas la scénographie de l’écriture, de la mise en place des acteurs, des mots, du son, de la temporalité. L’espace induit beaucoup de chose dans la direction d’acteur.
Quelle est votre vision du théâtre dans notre société ?
Ce que je trouve important, c’est que le théâtre est un art passionne toujours autant et qu’il n’a jamais perdu de sa vigueur. Il convoque une communauté de spectateurs avec du vivant. C’est un art fondamental dans nos sociétés de plus en plus complexes à saisir. Les Arts du spectacle suscitent beaucoup de curiosité et de ferveur, on peut y trouver des réponses à son existence. C’est un art de la rencontre, dans l’instant de la représentation.