C’est au Théâtre des Bouffes du Nord que Pascal Rambert met en scène deux de ses textes Perdre son sac et Ranger. Deux générations portent ces deux monologues qui se font face et se répondent. Entre espoir et résignation, l’écriture de Pascal Rambert est un voyage au cœur des âmes en peine.
Actrice engagée et mutine au cinéma, dans Perdre son sac, Lyna Khoudri frôle les planches pour la première fois. Elle se tient droite, sans flancher face au monologue fleuve et dénué de ponctuation que lui a confié Pascal Rambert. Difficile d’y trouver une respiration, un second souffle. L’urgence de dire semble répondre à l’urgence d’un monde qui sombre. Le personnage représente la jeunesse d’aujourd’hui. Une jeune femme qui nous dit qu’elle n’a pas de problème. Elle a un BAC+5 et travaille comme laveuse de carreaux mais elle n’est pas pauvre. Pourtant elle représente une génération qu’elle situe en dessous de l’esclave. Une meute d’enfants qui ont trouvé leur place dans la société sur des chiffons. Aucun futur formidable ne leur a été offert. Qui sont ces parents qui ont tout dévoré ? Elle nous dépeint des pères abjectes et inconscients, des mères dénuées d’instinct maternel. Les enfants tenteront alors de reconstruire, de faire face à une langue détruite, explosée par la laideur. Elle avance malgré tout, elle s’accroche à l’amour et rencontre Sandrine. Une histoire qui la fait vibrer, une femme qui lui donne des orgasmes en épelant le mot « étymologie ». Cette jeune femme tente de ranger la vie, de se raccrocher à ses souvenirs d’enfance, mais le désordre refait sans cesse surface. Un monologue vif et bouillonnant que Lyna Khoudri porte à bout de bras avec une belle maîtrise un peu pudique, qui manque parfois d’un lâcher prise qu’on lui connaît à l’écran.
« on reconstruira contre vous on va bien reconstruire contre vous tout ce que nous allons planifier sera contre vous vous êtes la parfaite figure contre quoi s’opposer la parfaite figure quand je te regarde je pense en te regardant tu es la parfaite figure de tout ce que je déteste » – Perdre son sac, de Pascal Rambert
La plupart du temps, Pascal Rambert écrit pour un acteur ou une actrice en particulier. Ranger est une pièce taillée pour Jacques Weber dans laquelle un homme range ses affaires, sa vie avant de disparaître. Il loue une chambre d’hôtel et fait repasser toutes les peines et la joie, les chagrins et l’amour, tout, avant de s’allonger puis de prendre ce qu’il faut et laisser la porte ouverte pour que vienne se blottir ce qui aide à mourir. Une partition sublime pour un comédien, un monologue d’une tendresse et d’une mélancolie bouleversantes que Jacques Weber interprète avec beaucoup de finesse et d’amour. La mise en scène est assez simpliste mais le talent de l’acteur nous fait oublié les artifices qui l’entourent.
« je n’y arrive plus je donne le change mais au fond de moi je suis détruit je n’ai plus rien c’est fou d’avoir tant vécu dans l’autre et découvrir quand il s’en va qu’on n’est rien voilà une phrase simple et vraie je ne suis rien sans toi » – Ranger, de Pascal Rambert