William Shakespeare créa le Roi Lear vers 1603. Plusieurs siècles plus tard, l’époustouflant Serge Merlin, lui offre plus qu’une couronne, il lui fait don de son corps et lui ouvre son âme.
Etonnant de charisme et d’humanité, il se met dans la peau de ce Roi de Grande-Bretagne bafoué, un père blessé et humilié, avec une aisance et un naturel troublants de vérité. Alliant force de caractère, sensibilité, tendresse et dérives psychiques, il nous entraine dans le parcours de ce vieil homme puissant de présence et d’émotions. Car il s’agit bien d’une extraordinaire présence, d’une faculté à s’exprimer à travers tout son être, d’une recherche sensorielle et d’une passion dévorante pour ce Lear que Serge Merlin incarne et confond avec lui-même.
Imposant son autorité ou se laissant aller à des égarements frôlant la folie, passant du collectif à l’intime, il conserve dans son interprétation, une intensité inébranlable. Malgré cette solitude apparente qui nous perce le cœur, il fait preuve d’une énergie et d’une fragilité qui nous saisissent et nous touchent. Serge Merlin est habité par cet autre qui le transcende et donne à cette adaptation une dimension captivante et poignante.
Le dynamisme omniprésent provient de cette vingtaine de brillants comédiens investis avec panache dans leurs missions, mais également de la mise en scène millimétré et inébranlable de Christian Schiaretti, qui peut être fier de tant de rigueur et de précision. Fresque épique, mélangeant les lieux et les intrigues parallèles, ce méticuleux metteur en scène est parvenu, avec pour seul décor un dispositif unique, à créer du mouvement, de l’espace et de la crédibilité. Les déplacements et les positionnements des personnages instaurent des tableaux inventifs et évocateurs, dirigeant aussitôt l’imagination du spectateur vers les châteaux et forêts environnantes d’Angleterre, en allant vers Douvres.
L’objectif est de tendre vers l’essentiel, avec toujours une touche d’originalité et d’esthétisme, à travers les objets et les costumes, qui constituent aussitôt des univers évidents et des atmosphères évocatrices. Les différents camps et les familles, sont alors identifiables et les lieux de passages reconnaissables, ce qui amplifie le ressenti chronologique d’un périple qui se déroule au fil du temps et des espaces.
Une aventure à laquelle le spectateur participe en accompagnant ces hommes et ces femmes dans les missions salvatrices et les complots obscurs qui les habitent. Une aventure prenante, qui aurait pu se poursuivre jusqu’aux confins d’une terre inconnue tant nous sommes accrochés à cette scène du Théâtre de la Ville, qui nous offre le regard si bouleversant d’amour et de noirceur de Serge Merlin, le plus beau Roi que l’Angleterre n’ai jamais connu.
Le Roi Lear, écrit par William Shakespeare, mise en scène de Christian Schiaretti
Avec Serge Merlin , Pauline Bayle , Andrew Bennett , Magali Bonat , Olivier Borle, Paterne Boungou, Clément Carabédian, Philippe Duclos , Philippe Dusigne, Christophe Maltot Mathieu Petit , Clara Simpson,Philippe Sire , Julien Tiphaine, Vincent Winterhalter , Marc Zinga et Victor Bratovic, Romain Bressy, Franck Fargier, Lucas Fernandez, Florent Maréchal, Sven Narbonne, Joël Prudent, Loïc Yavorsky
Jusqu’au 28 mai 2014
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