Comment avez-vous rencontré le texte de Celestini?
C’est Celestini que j’ai rencontré en premier, il venait au Festival de Liège qui est une biennale dans laquelle sont toujours programmés ses spectacles. Je m’y rends depuis que je suis au Conservatoire, depuis que j’ai 17 ans je vais voir tous ses spectacles. Le Directeur du Festival nous a mis en relation et nous avons décidé de se rencontrer, ça a eu lieu à Rome.
C’est un texte qui manie de façon très habile le cynisme et une franche lucidité par rapport au constat de ce qui nous entoure.
Le cynisme revient souvent, le fait de regarder les choses telles qu’elles sont plutôt que telles qu’elles devraient être. Je dirais que c’est un texte extrêmement transparent et que le monde derrière est cynique. Je n’aime pas qu’on me parle de cynisme comme si j’étais défaitiste ou fataliste alors que je ne fais qu’expliquer les rapports entre classes. Tous les personnages que j’interprète viennent de la classe dominante, ceux qui font des discours politiques avec une gouache et une suffisance par rapport à la victoire.
Vous avez un style assez atypique, dans votre diction, votre ton, vous parlez rapidement, comme absorbé par ce que vous dîtes mais en même temps vous semblez toujours aux aguets par rapport aux événements extérieurs, à ce qui se déroule dans le public.
Ce spectacle et Le Signal du promeneur, sont des pièces que je peux aborder avec simplicité. Je ne suis pas fan de la concentration dans les toilettes, trois heures avant de jouer, je trouve que cela rend les acteurs très zombies. Il me semble que la création est difficile car il faut investir différents types de recherches mais, une fois que je connais ma partition, j’aime être présent, être là. Je me suis trop souvent ennuyé au Théâtre ; dans des pièces où il pourrait y avoir un mort dans le public, l’acteur continue de jouer car il est inspiré par je ne sais quelle force surnaturelle. Dario Fo disait « Quand il n’arrive pas d’accident, on se sent mal ». J’adore quand il y a des choses imprévues qui interviennent, avec lesquelles on peut jouer ensemble, j’en profite.
On retrouve une pâte similaire, une atmosphère commune au Signal du Promeneur.
Le Signal du promeneur est beaucoup plus enlevé, il y a plus de poésie. Ici c’est assez direct, je trouve ça dur à la première lecture et suis plutôt heureux qu’il y ait de l’humour. Ce n’est pas un rapport frontal alors que l’on parle de choses violentes. C’est la première fois que je dis à mon public que ce sont des nazis en costumes et cravates. Dans Le Signal du promeneur, si ce n’est que nous parlons de faits divers morbides, il y a une communauté d’hommes qui se réunit et tente de dégager de la clarté. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’espoir dans Discours à la Nation, je le joue avec un sacré optimisme, une envie d’en découdre. Je ne jette pas le texte avec un fatalisme pur et en pensant que tout est fini. Ce sont deux spectacles incomparables, vraiment très différents. Il y a en effet quelque chose qui se fait à nouveau avec peu de moyens, ici il y a quatre caisses de bois contre un tronc d’arbre pour Le Signal du promeneur. C’est à partir de rien que nous créons plus, surtout avec l’imaginaire.
Quel est le théâtre que vous avez envie de défendre?
J’essaye d’aller voir du théâtre qui m’intéresse. J’ai envie de faire du théâtre pour bousculer les cadres ordinaires de la vie, ce qui est déjà une exigence de haut niveau. Un théâtre qui puisse donner à voir des représentations de notre monde et agir dessus, le transformer.
Quant à votre vision du OFF d’Avignon?
À la fin du Festival, j’étais très heureux de rentrer à Bruxelles. C’est la troisième fois que je viens jouer au OFF d’Avignon, ma première expérience était avec Le Chagrin des ogres, de Fabrice Murgia. C’est un peu l’hystérie, j’ai vu très peu de choses. Le rythme est tout simplement inhumain. Jouer à 10h40 tous les jours, avec un seul jour de relâche, devant quasiment que des gens de la profession, alors que c’est un spectacle que j’ai envie de sortir des institutions, du Théâtre. C’est un exercice qui rôde les spectacles, je peux maintenant en faire ce que j’en veux.