Nous avions découvert Notre Faust- Saison à Théâtre Ouvert. Deux ans plus tard, Robert Cantarella présente Notre Faust- Saison 2, aux Amandiers de Nanterre. Quatre épisodes, un par soir et une intégrale pendant plusieurs jours. Un moyen de créer du suspens et de faire revenir, le lendemain, le spectateur qui a pris goût à ce Faust moderne.
Le public entre dans la salle par la scène transformée en plateau de studio, comme au cinéma. Les décors sont rangés sur le côté et on nous distribue un résumé de la saison précédente. Faust, le personnage principal, est déjà sur scène. Immobile et figé, il porte une blouse de malade, maculée de taches de sang. La pièce débute au printemps, dans une chambre d’Hôpital. Faust se réveille après trois ans de coma. Il a perdu son sexe. Ses chiens lui ont dévoré, lors d’une partie de chasse. La situation est posée, le ton s’annonce absurde et caricatural. Les personnages défilent les uns à la suite des autres, contribuant au grotesque qui s’installe : Anne, la belle-mère vampirique de Faust, fausse gentille, obsédée par les bénéfices de Félicity, la société qu’elle vient de créer. Emilien, son père, qui a perdu les pédales et baragouine des propos insensés. Rachel, sa sœur, rigide, avec laquelle il a couché la saison précédente. Elle lui annonce qu’elle va épouser Wurtz, un grand dadais. Enfin, Méphisto, qui de chasseur de désirs et de pactes diaboliques, s’est subitement amouraché de Faust, qui, lui, semble vide de tout dessein. Faust se voit confier une mission : trouver la formule du bonheur.
Les situations s’enchaînent rapidement et se multiplient, renforçant une sensation de zapping, affirmant et assumant le bricolage entre les textes des cinq auteurs de la pièce. Les styles s’entrecroisent et créent une atmosphère décalée, à laquelle nous n’avons pas l’habitude. Même si la question du bonheur et des désirs de chacun est un problème de société. Les enjeux, ne sont pas aussi urgents et réfléchis qu’à l’accoutumée, au Théâtre. Robert Cantarella semble vouloir déconstruire le théâtre et l’auteur unique en faisant valser les conventions et l’autorité. Il se moque des séries qu’il parodie à travers le jeu des acteurs, leurs costumes et les évènements surréalistes.
Nous pénétrons dans un univers loufoque où l’histoire est ridicule mais amusante. Les comédiens sont excellents. Nicolas Maury, est maniéré, capricieux, enfantin et poétique. Il conserve son aspect caricatural qu’on lui connaît dans la série « 10 % ». Rodolphe Congé est le seul personnage profond et ambivalent, dans une véritable quête d’une maîtrise de ses émotions. Margot Von Hove est une parfaite employée niaise et cruche. Ce qui prime pourtant est la forme et cette légèreté, ce détachement total lié au comique burlesque et aux revirements insensés. La pièce se rapproche de la telenovela, sans l’aspect religieux. La musique est ici, aussi, mise en avant, avec la sublime voix de Rebecca Meyer qui ponctue les états d’âme des personnages. Mais la désinvolture, bien qu’elle soit volontaire, est trop forte pour nous laisser entrevoir autre chose, de plus fort, que le mécanisme.