La femme gauchère, de Peter Handke par Christophe Perton

la femme gauchèreToute la difficulté et l’intérêt de La femme gauchère résident dans le traitement de l’isolement. Dans son texte, Peter Handke décide d’aborder le désir de solitude d’une femme continuant, malgré elle, à se confronter aux autres.
Marianne éprouve soudainement le besoin de se retrouver afin de mieux se respecter et, dorénavant, de décider pour elle seule. Signe d’émancipation féminine, elle n’en oublie pas, pour autant, son pouvoir d’attraction sur les hommes qui ne cessent de la solliciter.
Cette illumination soudaine et ce changement radical s’inscrivent dans un univers froid et impersonnel, dénué de tout repère. Marianne évolue dans un intérieur figé, un espace sans chaleur et sans âme, aux allures de salle d’attente, une maison à son image et à celle de ceux qui l’entourent. Ce manque de caractère est désiré et justifié mais, pourtant, dérangeant car il est amplifié par la personnalité peu prononcée de la comédienne. Femme perdue, mais se voulant indépendante, elle apparaît comme un être sans couleur et sans défense, une figure neutre dont les prises de positions sont mystérieuses et difficiles à cerner. Elle est parmi les autres, tout en se voulant inatteignable, à sa manière, mais malheureusement ses intentions restent floues et ses gestes insaisissables.
De par ce jeu dépourvu de nuances de Judith Henry, le spectateur s’éloigne de cette image brouillée d’une femme isolée qui cherche la radicalité sans se donner les moyens apparents d’y parvenir. Son errance est légitime, mais nous attendions plus de force et de réaction de la part de cette femme, de cette mère et de cette épouse qui, soudainement, veulent percevoir le monde en toute individualité. Le théâtre et la vie sont faits de nuances mais, parfois, certaines situations comme celle-ci nécessitent un recours à une forme de radicalité qui renforce le propos tenu et lui donne de la crédibilité. À cela, s’ajoute une mise en scène saccadée, rythmée par des noirs répétés qui renforcent la prise de recul du spectateur, lassé, qui ne parvient plus à se fondre dans l’atmosphère crée par Christophe Perton. La gestion de l’espace est équilibrée mais simpliste et redondante. Une sorte de lenteur prend possession de la petite salle du Théâtre du Rond-Point et envahit le public.
De plus, les désirs d’isolements éprouvés par Marianne sont scéniquement peu exploités. Certes, les êtres se croisent sans jamais parvenir à s’atteindre, mais ces rapports sonnent faux, à la limite du superficiel. Outre avec les personnages assez marqués du Père et de Franziska, brillamment interprétés par Jean-Pierre Malo et Vanessa Larré, nous ne ressentons une once d’incarnation et de conviction. Aucune émotion ne transparaît de ce plateau glacial où la prise de risque de Marianne finit par apparaître comme une décision frivole et une réaction naturelle ancrées dans une norme; comme si, finalement, il s’agissait d’une expérience commune qui ne suscitait aucun changement de comportement; comme si l’actrice était passée à côté de ce texte, certes laborieux, mais porteur d’un cri assumé.

Théâtre du Rond-Point

TNP de Villeurbanne

La femme gauchère, texte de Peter Handke, mise en scène de Christophe Perton

Avec Frédéric Baron, Ophélie Clavié, Yann Collette, Judith Henry, Vanessa Larré, Jean-Pierre Malo, Grégoire Monsaingeon, Olivier Werner et, en alternance Talid Ariss, Blas Durozier, Félicien Fonsino

Du 12 au 16 mars au TNP de Villeurbanne

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