Bernard Sobel, metteur en scène d’Hannibal, de Grabbe au Théâtre de Genevilliers

                                                                                 Sobel par Didier ComellecL’intérêt d’Hannibal réside-t-il dans ce témoignage de l’homme face à l’Histoire ?
On l’a monté parce qu’il me semble que ce poème, de ce poète inconnu en France, parle de notre temps, plus que jamais.

La fin de la pièce est remarquable car à travers le suicide, la mort prend une autre signification. Elle n’est plus une fin imposée.
Nous avons essayé d’être fidèles à l’époque du poète. C’est une anti-tragédie, une œuvre à mon avis très importante, un chef d’œuvre à rebrousse poils, contre toute complaisance, toute fausse émotion. C’est un poème écrit dans une période aussi bouleversée que la nôtre, où tous les masques sont arrachés, avec la même violence que Rimbaud.

Pourquoi ce choix scénographique, avec ce dispositif de maisons peintes ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que ce n’est pas une pièce historique, mais une pièce qui a l’Histoire comme matière première. Ce n’est pas non plus une tragédie car la vie n’est pas tragique, la vie est la vie. Il s’agissait d’essayer de trouver un moyen de raconter, dans le temps le plus bref, cette invention d’écriture dont les Allemands font preuve, comme Lenz, toute cette dramaturgie que les Français n’ont pas prise. Sans pour autant, perdre la force poétique du texte et avec le travail d’un peintre, qui est Lucio Fanti. On lui doit beaucoup car il a retranscrit le problème de la sensualité de l’Italie, de ce à quoi doit s’arracher le héros.

En 2010, j’avais déjà été marquée par votre direction d’acteurs dans Amphitryon. Ainsi que par la place que vous laissiez à la jeunesse, on retrouve ici Gaëtan Vassart.
D’une certaine façon, Grabbe est un grand dramaturge, il donne la matière à l’acteur pour jouer dans la sobriété et la force nécessaire. C’est aider les acteurs à bien lire la proposition du poète. Ici travaille un comédien qui n’est pas jeune, mais qui est très extraordinaire, c’est Jacques Bonnaffé, on lui doit beaucoup, aussi dans son amitié et son soutien pour les jeunes. C’est un mélange intéressant de demander à des jeunes comédiens de travailler sur une telle matière. Je dirais que le metteur en scène et le directeur d’acteurs, est le poète.

Le T2G est un lieu qui vous est cher ?
Il m’est cher dans le sens où c’est un outil de travail et aujourd’hui je suis privé de tout outil de travail. Au bout de 6 ans, Pascal Rambert a eu l’élégance de me redemander un travail, ce qui est dur à trouver.

Vous avez beaucoup réalisé pour la TV, le Cinéma, quelles différences fondamentales percevez-vous ?
On peut dire qu’avec une œuvre telle que celle de Grabbe nous ne travaillons pas dans la fascination. C’est un art de l’instant, il n’y a pas de pellicule qui reste. C’est très difficile d’en parler. La parole au cinéma c’est un bruit, ce n’est pas une matière première. Beaucoup de metteurs en scène d’entre nous, n’existeraient pas s’il n’y avait pas les poètes. Parler théâtre ce n’est pas parler comme dans la vie, contrairement au cinéma.

Quelle est votre vision du théâtre aujourd’hui?
Si on prend l’exemple d’un poème tel que Hannibal, c’est essayer de rendre praticable la confusion dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Le théâtre, mais même le cinéma, permettent de donner la force aux êtres humains, de vivre dans un monde sans illusions.

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

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