Dom Juan ou le Festin de pierre, de Molière par Jean-Pierre Vincent

Dom Juan ou le Festin de pierreLa Comédie Française est une valeur sûre pour les mises en scène de textes classiques, interprétés avec brio, par cette grande troupe de soixante sociétaires et pensionnaires de talent. On y redécouvre les pères fondateurs du Théâtre, ces dramaturges, paroles d’époques qui nous semblent bien lointaines, mais que Molière, Shakespeare, Racine ou encore Voltaire feront renaîtrent avec passion sur la scène de ce Théâtre. Cette grande institution, nous ravie toujours par la qualité de ses comédiens à la diction parfaite et aux personnages étudiés,  paramétrés à la vibration de plume prés. En somme, un travail de jeu toujours très propre, peut-être même un peu trop, dénué d’ombres et de maladresses.

Dans Dom Juan ou le Festin de pierre, même si les comédiens sont exemplaires, la scénographie évocatrice et assez réaliste, l’atmosphère semble dépourvue de moments suspendus et ne suscite pas de réflexions nourrissantes, sur le moment ou à la sortie. Nous passons pourtant un savoureux moment. Avec sa mise en scène, Jean-Pierre Vincent reste fidèle au texte de Molière. Il n’y a pas de parti pris osé ou de déviations modernes sur des sujets intemporels comme la religion et la fidélité. Certains passages tendent même un peu trop vers un comique proche du boulevard. Instants risibles et farcesques, moments de liberté qui illustrent bien ces cinq actes de comédie.

Néanmoins, même si l’amusant Serge Bagdassarian interprète avec beaucoup d’humour et de dérision ce polisson de Sganarelle, Loïc Corbery tire parfois trop vers une emphase pleine de déclamations inquiétantes et de frivolités vocales et corporelles. Comme un poisson dans l’eau dans ce rôle de séducteur impie, bel homme, croquant  à pleine dents les plaisirs amoureux, il aborde sa destinée avec une confiance et un détachement,  propres à l’insouciante jeunesse.

Contrairement à l’adaptation cinématographique de Dom Juan, par Marcel Bluwal avec Piccoli comme séducteur distingué, homme mûr, défiant avec finesse les lois divines, le Dom Juan de Vincent est empli de légèreté, de jeux volages, et nous fait parfois oublier la portée religieuse. Dom Juan défie le ciel comme un adolescent rebelle qui s’amuse de tout, un gamin immature et égocentrique, qui ne se mesure pas réellement aux croyances divines et à ce qu’il a conscience de bafouer.

Toutefois, même si le propos est quelque peu dénaturé autour de ce point majeur, le retournement final surprend et suscite l’intérêt, remettant en cause l’aspect trop lisse de la pièce. Car si elle n’est pas inscrite dans un contexte contemporain, mais fidèle dans les décors et les costumes aux paysages du 17e, le dénouement bouleversé, s’inscrit dans une lignée moderne et ouverte d’esprit, dans une liberté de pensée. Si Jean-Pierre Vincent décide de ne pas faire mourir Dom Juan, c’est que le ciel ne le condamne plus. Il s’agit alors de délivrer un ultime message très pertinent et quelque peu osé dans un contexte passé, quant au choix de chacun de croire ou non au ciel sans pour autant être puni pour cela.

La Comédie Française

Dom Juan ou le Festin de pierre, texte de Molière, mise en scène par Jean-Pierre Vincent

Avec Alain Lenglet, Loïc Corbery, Serge Bagdassarian, Clément Hervieu-Léger, Gilles David, Suliane Brahim,Jérémy Lopez, Adeline d’Hermy, Jennifer Decker

Jusqu’au 9 février 2014

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

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