Le Collectif 8 s’empare de La Religieuse, de Diderot et métamorphose la scène du Théâtre du Chêne noir.
Deux comédiennes : l’une est la narratrice, la seconde occupe le rôle-titre de Suzanne Simonin, jeune femme forcée par ses parents d’intégrer la maison de Dieu. Cette jeune femme sera persécutée, humiliée et maltraitée par sa mère supérieure. Par chance, elle changera de couvent. Ce qui l’attendra n’en sera pas moins immoral. Après les sévices de la première femme, viendront les attouchements sexuels de la seconde.
Un beau panel religieux, qui permet de dénoncer les châtiments et les abus que subissent celles qui prononcent leurs vœux. Peines davantage destructrices lorsqu’on est contraint pour des raisons financières, comme Suzanne d’embrasser la religion et de se cloîtrer pour le restant de ses jours, entre quatre murs qui ne nous ressemblent pas.
Par sa dureté et sa volonté de fer, à faire entendre ses droits, Noémie Bianco interroge l’endoctrinement et l’ignorance, reliés ici à la chrétienté, mais qui, de nos jours, s’appliquent à toutes les religions. A ses côtés, Gaëlle Boghossian est mutine et vicieuse à souhait. Elle se donne un malin plaisir à passer de la narratrice compatissante aux autoritaires et grivoises mères supérieures.
Ce qui ressort de cette création et qui la rend unique, passe par la scénographie et l’articulation des deux comédiennes à l’intérieur de ce décor étonnant. A cour et à jardin, sont disposés des cachots en fer, cellules des bonnes sœurs, dont les portes s’ouvrent et se referment pour instaurer du confinement et une sensation grandissante de prise au piège. Au milieu de la scène, se tient Suzanne, enfermée dans sa cage de fer, démunie de tout. Le réalisme et le saut spatial sont créés par l’illusion. Paul Correia, le metteur en scène, use de vidéos, qui recouvrent les murs, et qui en s’inscrivant parfaitement dans la géométrie du décor, projettent des images. Intérieurs de couvents, vitraux, arches en pierre ou encore des extraits du texte de Diderot mêlés à des symboles flamboyants et endiablés, qui amplifient le pêché et la décadence. Une judicieuse manière d’habiller, en un éclair, ce petit plateau méconnaissable et attrayant.