Il y a treize ans au Théâtre de L’Odéon, il en fit une lecture. Aujourd’hui, il habille la petite scène du Théâtre Les Déchargeurs de la magie de Samuel Beckett et de son Dépeupleur. Durant une année, après l’avoir quitté au Théâtre de L’Œuvre avec Thomas Bernhard, nous avons patiemment attendu son retour.
Entrée fracassante par la porte de la salle ! Serge Merlin apparait. Il ressemble à un magicien prenant des airs de savant fou, parfois assombris par une terreur proche du vide. Affublé d’un large manteau vert et d’une baguette en bois, il est le seul à pouvoir transmettre les secrets de la langue beckettienne. Une écriture énigmatique qui l’habite et le transperce. Comme à son habitude, la frontière entre l’homme et le comédien est imperceptible. Serge Merlin : l’Acteur dramatique hypnotisant. L’enchanteur au ton grave et à la légèreté juvénile et chantante. L’homme qui nous approche du néant tout en conservant, avec sa filouterie des respirations rassurantes. Il y a des instants où nous oublions la parole, tant son corps est un langage. Même le muet ne détruirait pas le sens de ses gestes et de son regard qui se perd dans les abîmes d’un ailleurs.
Sautillant autour d’un trou, debout, à genoux, sur le sol, à 83 ans, toujours dans l’action permanente, il anime une sorte de conférence dans laquelle il nous présente méthodiquement les fonctions de ce cratère. Un microcosme illustré sous la forme d’un cylindre, peuplé hiérarchiquement et précisément de deux cent hommes. La hauteur, les parois, les niches et les tunnels, rien n’est laissé pour compte. Les corps sont classés, les conséquences physiologiques dues à leur environnement, évoquées.
À trop vouloir fuir ce cylindre, ces deux cent hommes s’épuiseront. Ils s’épuisent en même temps que le texte qui tend vers l’abstraction et le chaos. Privés d’espoir, les chercheurs de ce cylindre sont en quête d’un chemin. Ils cherchent un sens et des réponses, dans un monde où le sens n’existe pas. Les seules issues possibles sont les sans-issues car les fins sont absentes. Sans histoire il n’y a pas de réponse. Les chercheurs sont comme les lecteurs de Beckett, ils cherchent, cherchent en vain. Lorsque tout est ouvert, la fuite est inutile et le dépeupleur introuvable.
Voilà une succession d’analyses de spectacles qui davantage qu’une simple information nous éclaire intelligemment sur le pourquoi et le comment de l’aventure théâtrale. C’est un véritable guide des bonnes cuisines » gourmandes « .
Culturelles…et le service y est généreusement compris.