Avec Logiquimperturbable du fou, joué au Théâtre du Rond-Point, Zabou Breitman interroge avec beauté et douceur. Elle présente une création très intime où se mêlent des humanités abîmées et égarées qui déambulent dans les couloirs romanesques d’un hôpital psychiatrique. Oreilles de lapins, entonnoir et couronnes sur la tête, des personnages drôles et touchants défilent sans relâche, dans un monde parallèle et cloisonné, où les patients bipolaires se transforment en psychiatres et en danseurs de Samba.
Au Théâtre, comme au Carnaval, les fous sont rois. Dans notre société, il est délicat de faire la distinction entre les comportements insensés et ceux, perçus comme équilibrés, imperturbables. La logique ne fait pas partie intégrante de l’homme. Ses attitudes ne sont pas toujours dictées par sa raison. Qui peut prétendre s’approcher de la vérité ? L’enfermé, le névrosé ? Ou celui qui se cache derrière des certitudes, des frontières sécurisantes ?
Pieds de nez réalistes, inspirés de documentaires, images fantasque et comportements loufoques sont au cœur de ce microcosme poétique et éreintant. Les patients se croisent mais ne se ressemblent pas. Les médecins ne savent plus quels traitements appliquer aux malades. Ils se noient dans les prescriptions inexhaustibles de médicaments et contribuent à leur manière à ce désordre ambiant. Une patiente enfile un pull-over rouge et devient une géante impressionnante sortie tout droit de Roald Dahl. Un parterre de fleurs s’abat avec fracas sur la scène. Un lapin joue du ukulélé en culotte avant d’interpréter une transsexuelle brésilienne. Les corps roulent, se rapprochent et se hissent les uns sur les autres. Élégance et chaleur s’entremêlent.
Quatre brillants comédiens, interprètent un panel de personnages, aux accents et aux physiques distincts. Antonin Chalon, Camille Constantin, Rémy Laquittant et Marie Petiot n’ont pas été choisis par hasard. Chacun, avec sa spécificité, ses origines, son physique, apporte une énergie particulière à cet ensemble en pleine osmose. La metteuse en scène utilise les atouts des comédiens, elle créait des contrastes de taille, de l’illusion et du sublime. Il y a dans ce spectacle un aspect très cinématographique avec des cadres bien définis. Le regard du spectateur est orienté très précisément pour avoir le sentiment que le moment joué s’adresse à lui seul et non à un ensemble. Tout dans ce spectacle, aux allures de bordel bien organisé, est travaillé au millimètre près, même les erreurs.
L’alchimie et l’humour circulent de la scène à la salle. Le spectateur est emporté avec finesse et décalage dans cet univers caché du monde. Sur ce petit nuage délirant dans lequel l’irrationnel et la fantaisie atténuent les maux.