Directrice de la Comédie – CDN de Reims, Chloé Dabert présente son adaptation de Girls and Boys, de Dennis Kelly. Un seul en scène porté à bout de souffle par l’étonnante Bénédicte Cerutti sur la scène du Théâtre du Rond-Point. Plongée et fracas dans la descente aux enfers d’une mère hantée par son pire cauchemar.
Une femme dont on ne connaîtra jamais le nom raconte l’histoire de sa rencontre et de sa relation avec son mari, dans un monologue au ton léger et décalé. La comédie joyeuse des débuts, la rencontre truculente dans une file d’attente d’EasyJet, la relation amoureuse et les enfants, vire rapidement au drame.
Lauréate du Festival Impatience en 2014 avec Orphelins et après avoir travaillé sur L’abattage rituel de Gorge Mastromas, Chloé Dabert renoue avec la langue de Dennis Kelly. Un auteur brillant et moderne, maître de l’asphyxie, qui s’immisce comme personne au cœur de l’humain pour déceler sa monstruosité. L’auteur cisèle un foudroyant retournement de situation. Comment bascule-t-on de l’idylle à l’horreur la plus brutale ? Qu’est-ce qui pousse un être humain à commettre l’impensable ? Denis Kelly explore les ressorts enfouis de la masculinité, des relations amoureuses, de la filiation et de la folie, à travers cette puissante tragédie, jouissive et mélancolique. Sa pièce n’est pas pour autant dénuée d’humour. Ici recèle tout son talent et sa capacité à passer de la plaisanterie à la cruauté en une phrase.
Partition redoutable pour une comédienne qui doit rester concentrée et en capacité de créer des moments de ruptures systématiques. Au début du spectacle Bénédicte Cerutti apparaît hésitante et timorée. Une confusion troublante qu’elle mettra au service du personnage. Vacillante, drôle et versatile elle dessine le visage d’une femme inébranlable, très réaliste, qui tente de redessiner ses souvenirs. Elle livre son histoire avec une sincérité et une lucidité glaçantes. Elle témoigne de l’horreur qui a brisé sa vie en embarquant le spectateur dans son intimité et jusque dans ses sanglots.
Chloé Dabert a opté pour une mise en scène simple, sans fioritures. Toute l’attention est portée à l’exigence du texte et à l’écriture ponctuée de rythmes et de silences. Bénédicte Cerutti se balade entre deux espaces, un présent figé et un passé habité de bruits d’enfants et de fantômes. Elle offre une place particulière au spectateur qui l’accompagne jusqu’au bout du drame et au-delà des murs du Théâtre…