Après Vingt mille lieues sous les mers et La Mouche, le couple de magiciens Christian Hecq et Valérie Lesort, présentent leur adaptation du Voyage de Gulliver, de Jonathan Swift au Théâtre de l’Athénée. Une boite à bijoux débordante de finesse et d’humour.
Les deux metteurs en scène s’attaquent à un roman fleuve de la littérature : Le Voyage de Gulliver, dont ils choisissent d’adapter l’épisode qui se déroule chez les Lilliputiens. Lemuel Gulliver, chirurgien de marine, navigue vers Bristol. Après un naufrage, il se retrouve sur l’île de Lilliput, dont les habitants, les Lilliputiens, ne mesurent qu’environ six pouces de haut. Un peuple en guerre avec l’Île voisine de Blefuscu pour un motif tout à fait cocasse : savoir s’il faut manger l’œuf à la coque en commençant par le gros bout ou le petit bout. Deux clans s’opposent, les Petits-boutistes et les Gros-boutistes. À la fin du récit, suite à un complot Gulliver doit fuir Lilliput pour Blefuscu. Il parvient finalement à retrouver un navire au large pour retourner en Angleterre et se retrouve alors à Brobdingnag, cette fois chez les géants.
Au-delà du lieu de la parole et de l’éveil des consciences, le Théâtre est aussi l’endroit du rêve et de l’enchantement. Des charmes dont ne sont pas dénués ce récit amusant et ridicule propice à la fantaisie et à l’imaginaire. En s’emparant de cette satire sociale et politique Valérie Lesort et Christian Hecq créaient un spectacle d’une rare beauté. Les Lilliputiens sont incarnés par des marionnettes hybrides. Les huit comédiens évoluent dans une boite noire et gardent leur tête réelle qui est posée au-dessus d’un corps de 50cm. Seul Gulliver conservera sa taille humaine. Les contrastes fonctionnent à merveille, la maitrise des gestes est parfaite et l’illusion absolue !
Tout un monde merveilleux se déploie sur la scène du Théâtre de l’Athénée. Un monde dans lequel tout est précieux, poétique et charmant. Un spectacle total dans lequel tout émerveille et apaise. La scénographie est sobre mais finement pensée. Des mouettes volent, la façade d’un palais aux couleurs chatoyantes s’impose, des arbres fruitiers à plumes occupent la scène. De multiples accessoires, semblables à des jouets d’enfants se suspendent, sortent d’une trappe. Les bruitages, les costumes, les lumières viennent compléter cet écrin avec une précision et une réalité épatantes. Valérie Lesort et Christian Hecq brossent une œuvre scénique et picturale hors du temps qui comble le spectateur de délice et d’allégresse.
Quant aux comédiens, ce sont des artistes, techniciens et surement des contorsionnistes hors pair. Le geste est parfaitement maîtrisé. Le corps des marionnettes prend vie, tout en souplesse et en légèreté. L’interprétations des comédiens passent par la sonorité de leurs voix et par l’expression de leurs visages. Chacun joue sur les tonalités, les mimiques et le regard. L’humour est omniprésent. Que ce soit un comique verbal ou gestuel, ce burlesque offre aux personnages des caractères bien trempés. Un roi gourmand, joyeux, docile mais autoritaire. Un savant fou aux théories invraisemblables. Une princesse moderne, réfléchie et juste. Et surtout l’Impératrice, Cachaça, interprétée par Emmanuelle Bougerol. Une épouse séductrice et espiègle qui offre à Gulliver un show dansant endiablé qui exprime à lui seul tout le piquant décalage de ce spectacle.