Carole Thibaut présente la mise en scène de son texte de théâtre jeune public La Petite fille qui disait non, au Théâtre Public de Montreuil. Un texte tendre et poétique qui convoque l’intime et l’universel, dans une mise en scène ludique qui déploie des mondes.
Surmenée par son métier d’infirmière, Jeanne élève aussi bien qu’elle le peut, sa petite fille Marie. Heureusement Marie est bonne élève, raisonnable et obéissante. Régulièrement, elle va rendre visite à Louise, sa grand-mère fantasque qui habite de l’autre côté de la cité-forêt. Elle prend toujours le chemin qui contourne la cité, jamais celui qui la traverse, même s’il est plus court. Un jour, un événement inattendu va bouleverser sa vie. Et ce jour-là, Marie traversera la cité interdite, prête à tout, même à rencontrer un garçon qui s’appelle Loup.
Carole Thibaut écrit et met en scène une variation moderne du Petit Chaperon rouge. Un conte initiatique, qui comme tout le théâtre jeunesse offre différents niveaux de lectures. La jeune Marie, exemplaire et jusqu’à présent irréprochable, osera enfin se rebeller et répondra un « non » à sa mère. Confrontée à la mort de sa grand-mère adorée, le chemin de l’émancipation et du questionnement s’ouvrira à elle. Elle pénétrera dans la cité Fauré, le lieu de tous les dangers, modernes comme imaginaires. Elle y rencontrera Loup, un jeune voyageur sans abri au cœur plus tendre qu’il n’y paraît. Mensonges, questionnements et vérités feront alors surface pour que chaque personnage se révèle à lui-même.
Carole Thibaut voyage entre légendes et présent. Elle a opté pour une scénographie intimiste et picturale. Peu d’éléments suffisent à instaurer judicieusement différentes atmosphères. Des motifs de papiers peints et de sols graphiques et colorés sont projetés et habillent le plateau cabossé, presque mouvant. Des panneaux s’ouvrent et se referment permettant de multiplier les espaces. La mise en scène est fluide et cadencée. Les scènes s’enchainent portées par l’énergie des excellents comédiens. Yann Mercier est une grand-mère russe, farfelue, délicieuse et hilarante. Dans un autre registre il campe un Loup menaçant et dévorant qui ne demande qu’à se laisser apprivoiser. Lisa Torres est une jeune Marie dégourdie et très expressive. Elle parvient avec brio à renouer avec la période de l’enfance, avec son enfant intérieur. Un regard exorbité, une bouche pincée, une démarche incertaine, une voix décidée, suffisent à nous reconnecter avec cet âge innocent et spontané. À ses côtés, Hélène Seretti est une mère pressée, rapide, alerte, toujours dans l’urgence. Une féministe combattante qui tente de gérer au mieux en jonglant avec sa vie professionnelle et sa fille. Une mère stricte mais à l’écoute, qui finira par lâcher du lest pour mieux se reconnecter à sa famille.