Peu importe, de Marius von Mayenburg mis en scène par Robin Ormond à La Scala Paris

Pour la troisième fois le metteur en scène Robin Ormond s’empare de la dernière pièce du célèbre auteur allemand Marius von Mayenburg connu pour ses univers dysfonctionnels qui naviguent entre réalisme et métaphorisme. Avec Peu importe, sur les planches de la Scala Paris, il dissèque les fêlures d’un couple qui malgré tous leurs efforts semble tomber en ruines. Un duo de comédiens détonant qui brouille les frontières et nous entraine dans leur chute.

Erik et Simone forment un couple presque banal. Il est traducteur, elle travaille dans l’industrie automobile ; elle voyage beaucoup, il doit rester à la maison pour s’occuper des enfants. Au retour d’un voyage d’affaires, un cadeau déclenche une dispute à la mécanique bien huilée. Pour Erik, homme de maison à la carrière littéraire empêchée, le ressentiment gronde.
Ou est-ce l’inverse ? Simone est traductrice. Erik rentre de voyage d’affaires avec un cadeau, et la nouvelle d’une promotion – mais il faudrait déménager. Sa carrière à elle est en berne, alors pourquoi ne pas s’occuper des enfants ?
En inversant constamment les rôles, Marius von Mayenburg dévoile les dynamiques dysfonctionnelles d’un couple empêtré dans les injonctions d’une vie bien normée.

Peu importe dépeint le délitement d’un jeune couple dont le quotidien absorbant et les décalages de perceptions, de rêves et d’ambitions causeront leur chute. Coincés dans une forme de no man’s land les personnages rejouent inlassablement les mêmes situations en inversant leurs rôles. Les attentes évoluent, les perceptions changent. Chez Marius von Mayenburg les plus grands conflits naissent souvent de situations ordinaires. Au départ on crois que cette inversion pointe le patriarcat et le poids bien connu de la charge mentale maternelle, la fameuse bande passante. Il n’en est rien. Il s’agit seulement de peser le poids des mots et des conséquences de leur maladresse et parfois de leur absence. Se prioriser, accepter l’absence, le désengagement de la cellule familiale. Se déconnecter de l’autre, de ceux qui comptent. La rancœur et l’amertume se dessinent peu à peu. Trop d’attentes vis-à-vis de l’autre ne se soldent que par de la frustration et de l’ignorance. Il ne s’agit que d’un schéma répétitif d’incompréhension et de solitude. Le langage est omniprésent mais inefficace, unilatéral, saccadé, interrompu et étouffé par l’autre. La communication isole et ne résout rien.

Une avalanche de mots, tentative d’approche de l’autre, bien représentée par l’amoncellement de paquets cadeaux qui jonchent le sol de la petite salle de la Scala Paris. Des monticules qui s’effondrent et roulent comme les remparts de leur couple qui ne résiste plus. 

Robin Ormond créait une tension permanente portée avec poigne et ambiguïté par Marilyne Fontaine et Assane Timbo. Très convaincants et convaincus, ils incarnent et partagent avec brio toute la complexité et l’explosivité du texte. La mise en scène tient le spectateur en alerte, ballotté au sein d’un climat émotionnel dont il attend l’issue fatale…si tant est qu’il y en ait une…

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