C’est au Théâtre des Halles qu’Antoine Oppenheim présente sa mise en scène de Chasser les fantômes, d’Hakim Bah. Une histoire d’amour et de rapports de force nés de plusieurs territoires qui se rencontrent, s’apprivoisent et implosent. Un texte coup de poing, interprété par deux comédiens fabuleux.
Sa peau à elle est blanche. C’est une femme déterminée, nerveuse, parfois incertaine et fébrile. Une bosseuse à qui la vie sourit. Elle est maniaque, directe, autonome. Elle aime contrôler les choses. Lui, il a la peau noire. Son pays c’est l’Afrique. C’est sur cette terre qu’ils se rencontrent. Il l’a rejoint chez elle, sur un autre territoire, loin de la misère et des désillusions. Il est doux, patient et aimant. Il tentera de s’adapter à cette nouvelle vie, à cet enfermement dans lequel l’ennui et la solitude seront ses seuls compagnons quotidiens. Ils vivront une histoire d’amour dans laquelle ils ne seront pas égaux. Elle, vivra une histoire d’amour parmi tant d’autres. Lui vivra une histoire de vie, celle d’un destin et d’une chance de réussir ailleurs. Elle a tout et vient d’ici. Il ne possède rien d’autre que son amour et vient d’un endroit où l’avenir n’existe pas. Elle travaille, gagne de l’argent et l’entretient. Il est censé être ici pour une courte durée et passe ses journées à l’attendre, se consumant à petits feux. Il décidera de rester définitivement et leur amour s’étiolera au fil des saisons. Elle le chassera et signera, sans le savoir, son arrêt de mort.
L’écriture d’Hakim Bah oscille entre style direct et indirect et nous donne toutes les couleurs émotionnelles des personnages. Nous traversons avec une sincérité profonde le fil de leurs pensées. Nous savons, à chaque seconde, ce qu’ils ressentent réellement. Des impressions souvent différentes de leurs formulations. Ce style montre à quel point l’humain s’adapte à l’autre. Pour ne pas blesser l’autre, pour ne pas le heurter, les mots se tapissent et se transforment au son de la voix.
Sophie Cattani et Nelson-Raffael Madel sont époustouflants. Chacun avec sa singularité, nous fait passer de la tendresse au déchirement. Ils évoluent l’un à côté de l’autre, l’un avec l’autre, déambulant dans une scénographie épurée, faite de blocs de hauteurs différentes. La mise en scène d’Antoine Oppenheim est rythmée et variée. La musique de Damien Ravnich accompagne la montée, la tension et laisse la place à l’expression des corps et des cœurs sans oublier un humour léger et parfois cinglant qui raccroche l’histoire intime à l’histoire d’une société et d’un monde.