Habitué à écrire et à monter ses propres textes, Joël Pommerat reconnu pour son langage scénique total se frotte en parallèle à un autre type d’exercice en intervenant à la Maison Centrale d’Arles. Depuis une dizaine d’années, il mène des ateliers au sein d’un établissement pénitentiaire pour des détenus de longue peine. C’est avec ces amateurs engagés, qu’il présente Marius, un grand classique de Marcel Pagnol, sur la scène du Théâtre du Rond-Point. Une adaptation libre et tendre, qui fait résonner différemment les notions de libertés et de sacrifices, en concordance avec le vécu et l’imaginaire des détenus.

Marius, fils de César le patron du bar de la Marine, aime profondément Fanny, la marchande de coquillages qui chez Joël Pommerat est la fille de la coiffeuse. Mais il rêve aussi de partir en mer, de voyager au loin. Entre l’amour et l’appel du large, il hésite. Après une lutte intérieure déchirante et un mariage envisagé avec Fanny, il finit, avec l’accord de sa bien-aimée, par céder à son désir de liberté et s’embarque, laissant Fanny et les projets d’une vie à deux derrière lui.
Joël Pommerat conserve les thèmes de prédilections de l’œuvre de Pagnol. Le dilemme entre devoir et désir vers son idéal de liberté, la jeunesse face aux choix de vie, l’amour et le sacrifice. La relation d’incompréhension avec le père et la mise en valeur des conflits générationnels. Le metteur en scène adapte la pièce à son époque et la modernise. Panisse est un businessman successful, une grande gueule pleine de gouaille qui cache aussi un coeur tendre. Le père de Marius est un entrepreneur qui tente de manager son fils et de développer son commerce. Ici le propos est davantage axé sur un quotidien sans éclat, une routine lassante et sans perspective, encroutée dans une ville sans surprises. La mer représente alors le moyen de la rupture vers la liberté et l’évasion, des thèmes qui résonnent fortement avec les conditions et les aspirations des détenus.
Des détenus très amateurs qui pourraient pourtant faire pâlir plus d’un acteur bien installé. Le père de Marius et Panisse sont remarquables. Engagés et habités ils donnent corps et puissance au texte de Pagnol.