Retour au Théâtre Zingaro, ce lieu unique, pour la nouvelle création de Bartabas qui adapte son roman Les cantiques du corbeau. Nouveau challenge pour celui qui se définit comme un poète du mouvement et du silence. Cet habitué à une esthétique dépouillée, et une quête d’émotion pure sans mots, dans la langue universelle du geste, s’éloigne du cheval tout en conservant son exploration du rapport de l’homme à l’animal, à la nature, à la spiritualité et la mort. Une œuvre épurée et spirituelle qui peine pourtant à faire théâtre.

Un virage important dans la carrière du maître du théâtre équestre ! Les cantiques du corbeau c’est 22 chants qui invitent au voyage dans la peau d’animaux, de corbeaux, de bêtes, auxquelles Bartabas donne la parole. Prédateurs, victimes, ombres, bactérie ; sur terre, dans l’eau, dans les airs…Des vies défilent, croisant les songes et les rêves, affrontant sereinement la mort. Avec toujours la silhouette du corbeau qui plane. Oiseau symbole de mort, messager entre le ciel et la terre, animal mystérieux et énigmatique aux yeux pleins de secrets.
Tour à tour les narrateurs se succèdent en hauteur, au milieu des musiciens. Chacun raconte sa traversée, son ascension, souvent sa chute. Des comédiens immobiles, vêtus de noir, poétes habités par leurs récits. Des voix aux timbres singuliers qui donnent à entendre, à ressentir, à visualiser un texte organique et très métaphorique.
Des allégories représentées furtivement sur la scène circulaire recouverte d’eau. Comme des illustrations, des images de ce qui se raconte oralement dans un autre espace-temps. Dans ce spectacle peu de chevaux, des créatures et beaucoup de feu. Un feu jaillissant, éclatant, irradiant. La mort omniprésente n’est pas terrifiante. Elle rôde, galope, claque des dents et s’invite chez qui veut bien l’accueillir et l’accepter.
« Abandonner notre désir de vie et faire de la mort l’issue volontaire reste le privilège des hommes »

L’univers de Bartabas est puissant, sublime et sacré. Son esthétique qui affine et peaufine les moindres détails appelle toujours au voyage et au mystère. Dans Les cantiques du corbeau, il s’agit surtout de figures monstrueuses, singulières, de dégager de l’inquiétant du mystique. Les masques, les costumes, les corps, les voix, les lumières, contribuent à créer un cadre et une atmosphère hors du commun, proche du rituel et de la cérémonie. Bartabas fait un paris en sortant de sa zone de confort. Les cantiques du corbeau reste malheureusement un spectacle un peu trop littéraire. Les allers retours systématiques entre le texte d’un côté et la scène de l’autre installent une routine établie, un mécanisme redondant qui laisse peu de place à la dramaturgie. La voix est trop dissociée du corps, les espaces trop segmentés et le spectacle peine à trouver une cohésion, une union entre tous les champs artistiques.