« Pour désigner le successeur de Jean-Louis Martinelli, la ministre de la Culture est passée outre l’opposition de la mairie, qui souhaitait la nomination du tandem Marcial di Fonzo Bo-Elise Vigier à Nanterre. On savait que les dernières tractations étaient difficiles. Pour choisir le successeur de Jean-Louis Martinelli, dont le mandat à la tête du théâtre de Nanterre-Amandiers s’achève le 1er janvier, deux candidatures restaient en liste. Patrick Jarry, le maire de la ville, soutenait la candidature du tandem Marcial di Fonzo Bo-Elise Vigier. Aurélie Filippetti en tenait pour Philippe Quesne. Le ministère de la Culture a finalement annoncé, ce vendredi matin, la nomination de ce dernier. Désigné pour un premier mandat de quatre ans, le fondateur du Vivarium Studio, âgé de 43 ans, travaillera avec trois autres artistes associés: Vincent Macaigne, Joël Pommerat et Gisèle Vienne.
Version. Jusqu’au bout, le ministère, qui vante la «transparence» du système de nominations qu’il a mis en place –short list de quatre candidats, à parité hommes-femmes, auditionnés sur leur projet, avant une nomination concertée entre toutes les tutelles– aura tenté de faire croire à une décision prise en commun avec les collectivités locales. Une version des faits démentie par la publication, dans l’après-midi, d’un communiqué cinglant du maire de Nanterre: «Cette décision, écrit Patrick Jarry, intervient à l’issue d’un processus qui a mis en évidence des divergences entre le ministère de la Culture et la ville de Nanterre sur les candidats etles projets en présence […]. C’est la première fois qu’une nomination à la tête du Théâtre des Amandiers se fait sans l’accord de la ville de Nanterre, qui ne ménage pourtant pas ses efforts pour contribuer au rayonnement de cette maison, comme en témoigne le projet de reconstruction du théâtre, pour lequel la ville se mobilise depuis plusieurs années afin d’obtenir un engagement financier de l’Etat et de la région.»
Pour autant, le maire de Nanterre «prend acte» de la nomination et «souhaite bonne chance et pleine réussite à Philippe Quesne». Il n’a de toute façon pas d’autre choix que de s’incliner d’autant que, contrairement à la situation dans d’autres centres dramatiques nationaux, l’Etat est largement majoritaire dans le financement de l’établissement (4,8 millions d’euros de subvention annuelle, contre 800 000 euros pour la ville).
Artiste singulier, plasticien de formation, révélé au grand public avec la Mélancolie des dragons présentée en 2008 au Festival d’Avignon, invité aujourd’hui dans des festivals et des théâtres du monde entier, Philippe Quesne semblait avoir a priori plus un profil de chercheur que de gestionnaire d’institution. Mais il a su convaincre la ministre grâce à un projet où l’on retrouve la patte d’Hortense Archambault, codirectrice du Festival d’Avignon jusqu’à cette année. Notamment l’idée de la mise en place d’un pôle de création partagé avec d’autres artistes.
Mariage. Si la connivence de Philippe Quesne avec Gisèle Vienne, qui travaille à la lisière de la danse, des arts plastiques, de la vidéo et du théâtre, ne fait guère de doute, le mariage avec Joël Pommerat et Vincent Macaigne –deux artistes à forte personnalité et aux univers par ailleurs fort éloignés– est moins évident. Et le partage de l’outil de travail entre tous risque de ne pas aller de soi. De ce point de vue, le projet défendu par Elise Vigier et Marcial di Fonzo Bo –qui prévoyait aussi des collaborations avec d’autres équipes artistiques– s’inscrivait dans une logique plus classique: l’installation dans un centre dramatique d’une compagnie –le théâtre des Lucioles–, formée il y a vingt ans par de jeunes acteurs issus de l’école du TNB de Rennes.
Transparence ou pas, la ministre a donc fini par imposer «son» candidat. Ce n’est pas la première fois depuis dix-huit mois, mais cela relativise le discours ministériel sur la rupture avec les pratiques de ses prédécesseurs. «