Stanislas Nordey – Metteur en scène et comédien

« Le théâtre est avant tout de la parole, donc de la pensée, qu’il est important de faire circuler. »– Stanislas Nordey

À première vue, un texte puissant et de brillants comédiens sembleraient être la recette du succès de Stanislas Nordey, ce fougueux artiste qui rend hommage au Théâtre, aussi bien comme metteur en scène que comme comédien.

Du comédien, je garde enfouie en moi l’image d’un homme transformé par la scène, cette vision d’un acteur qui semble se donner corps et âme, à chaque mouvement entrepris sur un plateau. Du metteur en scène m’apparaît cette passion pour des textes captivants et envoûtants.

Ce qui marque le plus dans ses mises en scène et qui se confirme dans son discours, c’est son amour inconditionnel du verbe, avec cette volonté curieuse, à chaque nouveau texte, d’apprendre une nouvelle langue. Très attaché à l’architecture des textes, avouant être tyrannique sur la forme et la précision, il veut travailler la structure de la phrase comme on travaillerait le vers. La richesse et la densité d’une épopée comme celle de Par les Villages, de Handke, ne l’effrayent pas. Ce qui compte, c’est le voyage entrepris par les spectateurs et les comédiens. Bien que fidèle au mouvement de l’écriture, car il est important d’abolir tout contre-sens, Stanislas Nordey fait confiance aux intuitions de ses acteurs. Figure de passeur entre l’auteur, avec lequel il a vécu en immersion, et les comédiens, il respecte autant la précision poétique, la parole de l’œuvre, que l’imaginaire du comédien. Oscillant entre simplicité à l’état pur et égarements poétiques, le metteur en scène parlera aussi de haïkus.

Très actif toute cette saison, c’est parce qu’il s’est dégagé depuis bien longtemps des questions de reconnaissance qu’il peut se concentrer sur des formes différentes, en provoquant des écarts nécessaires à son éveil. Conscient du danger que peut entraîner le confort de la mise en scène, il aime se mettre en péril, oubliant toute notion de notoriété. Enthousiaste et habité dans son discours, je découvre un nouveau visage : celui de l’homme passionné et animé. Durant toute notre rencontre, il est dans le moment présent, existant et investi dans son propos qu’il expose avec plaisir et conviction, mais aussi avec écoute et partage.

« J’ai toujours pensé que le Théâtre ne pouvait pas changer le monde mais qu’il pouvait aider les gens qui y venaient à être plus vigilants. »- Stanislas Nordey

Ce qui est certain, c’est que Stanislas Nordey perçoit le Théâtre comme un outil au service de la transmission. Dernier opus de quatre œuvres, Par les Villages se termine par une prise de parole devant le monde ; un instant d’espoir et de partage visant à encourager le voyage intérieur, la quête initiatique. Même si Handke disait se méfier des metteurs en scène, Stanislas Nordey a bien cerné l’affection de l’auteur pour les comédiens et décide d’en faire une ode à l’acteur. Il me parle de « solistes solidaires ». Une des caractéristiques de son travail est, en effet, cette mise en valeur du comédien dans toute sa fragilité et son aura la plus profonde. Il sait comment créer l’émotion, comment suspendre le temps, sans artifice, avec la seule présence frontale d’un comédien qui se met à nu, avec courage. Nous aurions pu rester des heures durant à contempler Laurent Sauvage, à s’imprégner du mysticisme qui émanait de cet homme qui, à lui seul, nourrissait toute une assemblée. De cette démarche sont nés, dans tous ses spectacles, une émotion unique, un moment d’humanité qui reconnectent avec l’importance d’un moment de partage. Dans le chemin, aujourd’hui rare, de la figure de l’acteur-metteur en scène, deux places qu’il occupe avec panache, il parvient toujours, à travers la transmission et la valorisation d’un texte et des comédiens, dans l’expression sincère d’une réalité, à accéder et à revenir à l’essentiel.

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

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