Orchidées, de Pippo Delbono

OrchidéesHabitués depuis des siècles à des règles dramatiques et à l’héritage d’un patrimoine que certains positionnent comme une norme à respecter, nous pouvons cependant nous demander ce qui, aujourd’hui, fait théâtre. L’évolution des formes, à travers les artistes contemporains, dévie des lignes communes bien réglées, qui, d’usage, traversent un texte, une histoire claire et des personnages définis qui échangent sur un sujet précis. À présent, il faut sortir de ce carcan étriqué et figé en considérant la scène de Théâtre comme le lieu d’expression d’une liberté sans règles ni bienséances forcées. Et si, finalement, le théâtre se résumait à une création quelle qu’elle soit, qui allierait réflexions et émotions.

Dans cette idée d’une déstructuration totale d’un genre établi, Pippo Delbono nous présente Orchidées, au Théâtre du Rond-Point. En plein coeur de l’ère du zapping, une surcharge d’images, ou plutôt des instants de vies, s’enchainent, mais ne se ressemblent pas. C’est un théâtre parfois incohérent et insensé, un homme jeté à la mer sans bouée de sauvetage. Il ne s’agit pas d’analyser ou de traquer l’existence d’un fil rouge, il n’y en a pas de visible, même à l’œil nu. Il faut simplement se laisser porter par cette généreuse culture italienne qui mêle avec kitsch, poésie et convivialité, fêtes, danses, musiques et vidéos.

Le plus important pour ce metteur en scène, qui est sur tous les fronts, semble être le partage. Créer des moments de cohésion avec le public, s’ouvrir et apprécier d’être ensemble car l’autre est tout ce qu’il nous reste dans ce monde violent, sans saveurs. L’autre est la vie, l’autre est la réalité. Il est alors temps pour Pippo Delbono et ses comédiens de faire tomber les masques en étant au plus près de la vérité des sensations, en se rapprochant d’un nouveau langage : celui de la pureté de l’âme.

Son travail se rapproche de celui d’Angélica Liddell dans cet investissement de la scène comme lieu de révélation et d’expiation de son intimité et de ses névroses. Angélica Liddell créait des parallèles fictionnels, Pippo Delbono est davantage dans de l’anecdotique très personnel. Il nous dévoile sa vie privée avec humour et dérision mais toujours avec une certaine poésie ambiante. Poésie qui atteint son apogée lorsqu’il nous dévoile avec mesure et sobriété la mort, filmée, de celle qui lui manque tant. Nous passons au-delà du voyeurisme attendu, concentrés sur l’observation des relations entre les êtres aimés.

Son spectacle peut parfois paraître égocentrique et trop visuel, dans un enchaînement cadencé de représentations décousues, mais il n’en reste pas moins porté par un lyrisme dû à la beauté du reflet de notre monde. Certains passages semblent futiles et sans intérêt profond mais il y a pourtant une prise de recul et une analyse sur notre société actuelle, qui nous poussent à aspirer à la simplicité et à l’authenticité de ce qui nous entoure. Même si le public parisien reste très conventionnel et décent, enraciné au fond de son siège, immobile quoiqu’il advienne, Orchidées donne un nouveau souffle de vie et pousse à inventer un des théâtres de demain.

 

Théâtre du Rond-Point

Orchidées, texte et mise en scène de Pippo Delbono

Avec Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Bobò, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Ilaria Distante, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Pepe Robledo, Grazia Spinella

 

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

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