Clôture de l’amour, de Pascal Rambert

Clôture de l'amourLe langage comme élément essentiel pour réveiller une émotion de l’instant. Se débarrasser de tous les artifices, tendre vers l’épuration scénographique en créant avec peu de matériaux, en s’appuyant sur une écriture en temps réel, est au cœur du travail de Pascal Rambert.

Dans Clôture de l’amour, le metteur en scène écrit pour deux acteurs : Stanislas Nordey et Audrey Bonnet ; deux corps qui s’animent et qui s’embrasent, chacun dans une dynamique personnelle. Il s’agit de la mise en avant d’une parole, un moment de vie intense qui se déroule en direct sur la scène du Théâtre du Rond-Point. C’est une histoire d’amour, un moment de déchirement à vif entraîné par la perte de l’autre ; une mort que chacun appréhende à sa façon.

Nul besoin d’interaction, même lorsqu’il s’agit de la douleur la plus profonde qu’il soit. L’autre reçoit en plein cœur les flèches lancées par son partenaire, par sa moitié, sans broncher, sans se protéger. L’autre est à nu et à l’écoute, en pleine réception, subissant la violence d’un discours destructif et coupant comme du verre. L’autre reste muet face à ces lames de rasoirs, mais présent par le regard et la pensée.

Comme de coutume, Stanislas Nordey excelle dans son discours contrôlé et incisif. Toujours dans une totale maîtrise de ses sentiments et de ses réactions, il est frontal, direct, habité par ses paroles qui animent son corps débordant de vie. Dans une raideur et une nervosité qui lui sont propres, il est cet homme hermétique et distant, cet esprit franc et rationnel. Il est la raison contre le cœur. Audrey Bonnet attend son tour, pour seul droit de réponse à cette attaque et à cet abandon d’une heure, sa silhouette longiligne qui s’affaisse et s’écroule. Mais il ne faut pas se fier à cette apparence trompeuse de femme fragile, sombrant dans le néant de la solitude extrême. Stanislas Nordey a fini de s’exprimer ; le comédien a quitté celle qu’il aimait sans état d’âme, avec un détachement bouleversant d’indifférence et d’insensibilité. Le monde s’écroule mais il est temps pour Audrey Bonnet de répliquer enfin. Loin de ce corps mince et chétif, la puissance d’un charisme vocal nous explose en plein visage. Blessée par tant de mépris, la comédienne exprime avec force et violence la disparition de leur amour. Davantage dans un registre affectif, mais loin d’un apitoiement larmoyant, elle tente de faire le deuil en direct de cet amour mort. La beauté de son moment réside dans cette volonté de garder les moments partagés, sans aucun reniement.

Ancrés de plein fouet dans leur réalité intime, leur combat nous touche et remet en question la prise en compte de l’autre et de la vérité. L’autre qui nous renvoie à nous-mêmes dans tout ce que l’amour a d’égocentrique. On a aimé s’aimer mais qui aimait-on vraiment ?

 

Théâtre du Rond-Point

Clôture de l’amour, écrit et mis en scène par Pascal Rambert

Avec Audrey Bonnet et Stanislas Nordey

 

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

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