Avec Etat de siège, Albert Camus écrit une pièce militante qui insiste sur les vices du régime totalitaire, afin d’éviter un retour à cette catastrophe historique. En jouant sur la peur des hommes, il met en valeur l’ampleur d’un pouvoir destructeur, qui ici, se personnifie sous la forme de la Peste ravageuse. Cependant, il n’est pas question de se laisser assaillir par cet état de crise, bien au contraire.
L’auteur insiste sur la révolte et la résistance des hommes, sur leur besoin de manifester, de lutter contre un pouvoir qui les prive de leurs libertés collectives et individuelles. Seules les vraies vertus comme le courage, l’audace et la bravoure seront alors récompensées.
Malgré un ton pittoresque et grave, la pièce est constituée de personnages emplis de dérision, ce qui la rend plus légère. L’humour semble être en effet le parti pris de Charlotte Rondelez. À l’aide de marionnettes aux figures humaines et aux corps de petites tailles, en chiffons, elle souhaite pousser les caricatures à leur paroxysme et instaure une dimension comique, nuancée et bien maitrisée. Les grimaces sont sur tous les visages des habitants, les voix sont transformées, les expressions exagérées et l’ironie bien présente.
La scénographie reste la plus simple possible avec un décor épuré, constitué du minimum, ce qui permet de se concentrer sur la découverte et l’approfondissement des personnages, ainsi que sur la nature du propos. Car malgré la fantaisie, le discours n’est pas dénaturé et garde toute sa force; une énergie portée par de brillants et vigoureux comédiens. Tous très atypiques, dans des rôles travaillés minutieusement, ils font naître de vraies et étonnantes personnalités sur la scène du Théâtre de Poche-Montparnasse. Une attention particulière pour Claire Boyé et Antoine Seguin, qui interprètent avec caractère, précision et nuances parfaitement maitrisées, leurs palettes de personnages.
Seulement six pour investir les nombreux rôles de la pièce, ils se déplacent avec dynamisme et conviction entre peuple et pouvoir. Ces deux espaces instaurés par Charlotte Rondelez, offrent à la pièce une dimension imaginaire qui nous entraîne dans ce combat contre l’invasion de l’autre. La metteuse en scène nous prouve bien qu’avec peu de moyens, mais du talent et de l’inventivité, nous pouvons illustrer et faire apparaître tous les décors du monde.
Etat de siège, écrit par Albert Camus, mise en scène de Charlotte Rondelez
Avec Simon-Pierre Boireau, Claire Boyé, Benjamin Broux ou Rémi Goutalier
en alternance, Céline Espérin ou Chirstelle Jacquaz
en alternance, Adrien Jolivet, Antoine Seguin ou Paul Canel en
alternance
Jusqu’au 1er juin 2014
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