Comment faire la distinction entre qui nous sommes réellement et l’image que les autres se font de nous? Comment parvenir à se détacher des attentes de l’autre? S’éloigner de ce formatage qui gâche toutes les couleurs de l’individu et entache les nuances de chaque personnalité.
Avec Rien de moi, Arne Lygre aborde ces questionnements. Il tente de faire vivre à ses personnages, le présent en toute conscience de ce que l’être est à un instant précis. Car avec l’évolution, le temps qui passe, les envies changent et les visages se transforment. Nous devenons un autre qui finit par ne plus se rappeler de son ancien moi, peinant parfois à reconnaître ceux qui l’entourent et qui subissent le même sort.
S’accrocher à l’autre, à l’amour de l’autre, apparaît alors comme le moyen de se fixer dans le temps, de se stabiliser. L’autre permet la sécurité, la vérité, l’acceptation et peut-être même la paix intérieure. Néanmoins, « Moi » et « Lui » sembleront davantage s’accrocher aux idées qu’ils se font d’eux-mêmes qu’à la réalité effrayante. Ils aspirent au changement perpétuel afin de ne pas risquer de se lasser de l’autre.
Ils meublent à leur manière pour sauver ce qui est déjà mort. Ces ressentis s’expriment à travers la mise en scène et la scénographie épurée. Avec des objets et un décor presque inexistants, cette grande pièce blanche et vide, incite à l’instabilité et à la non identité. Ne pas s’installer, ne pas se poser pour ne pas s’habituer. Tout reste en mouvement. Des comédiens semblables à des électrons libres sans racines, dans ce salon qui se remplit d’une eau mouvante, aux transparences et aux possibilités infinies.
Chloé Rejon est cette femme courageuse et déterminée face à son existence. Une comédienne touchante par sa fragilité et son espérance. Un être curieux, prêt à tout quitter pour se trouver elle-même, pour tenter de se redécouvrir à travers Lui. Lui, un Manuel Vallade davantage dans la dérision et la légèreté. Un homme qui détient les mêmes peurs mais dénué de toute la force qui émane, chez elle, de son questionnement identitaire.
Comme à son habitude, le brillant metteur en scène Stéphane Braunschweig, séduit par son esthétique et par l’atmosphère mystérieuse qui laisse toujours une grande place aux jeux des comédiens et au texte. Certains moments sont pourtant inégaux, passant d’un registre philosophique et anthropologique, porté par la comédienne, à une dérision qui dénote un peu trop chez le comédien.
Rien de moi, texte d’Arne Lygre, mise en scène de Stéphane Braunschweig
Avec Luce Mouchel, Chloé Réjon, Manuel Vallade, Jean-Philippe Vidal
Jusqu’au 21 novembre 2014