Sans tambours, ni trompettes? Partir à l’assaut de ses adversaires et de la terre entière accompagnés de musiciens, tel est le défi que se lance Samuel Achache, le créateur de ce spectacle décalé, à la forme singulière. Dans Sans tambour, il sera question de créer l’effondrement, la chute et la séparation, pour mieux reconstruire, pour renaître, lavé de l’amour et de la souffrance.
Un couple se déchire et se quitte. Un homme est interné pour mélancolie amoureuse et se fera opérer le cerveau pour se libérer de cette emprise. En fond de toile se rejoue Tristan et Isolde, de Wagner, l’opéra le plus brûlant du répertoire et l’apothéose du drame musical, dans lequel Wagner explore l’incarnation mystique de la passion pure. Car c’est bien d’amour dont il est question. Un amour de la vie, une soif de passion et de fougue qui s’exprime souvent par un humour loufoque très premier degré. Mais aussi par des tableaux suspendus, où la poésie règne, à la lumière d’une flamme. Loin d’être effrayés par la mort, les personnages croquent la vie par tous les bouts.
Autour de ces êtres le chaos se dessine, le monde tombe en ruine et le décor, représentant une maison, sorte de virus passé, s’effondre littéralement sous nos yeux. Les comédiens et les musiciens cognent sur les murs qui se brisent en mille morceaux et déterrent les fondations pour laisser place à la nouveauté. Ils marchent sur les décombres de leurs souvenirs malades, se raccrochant aux branches du langage et surtout au rythme de la musique. Notre société est-elle si malade ?
C’est dans le rythme et le détournement que réside toute l’originalité et la force de Sans tambour. Samuel Achache, avec la complicité de Florent Hubert, à la direction musicale, offre à la musique un premier rôle. Métronomes intemporels les musiciens traversent avec panache et compassion ce plateau chaotique, imprégné du romantisme exacerbé de Schumann. Plutôt cocasse lorsque l’on sait que le metteur en scène dirige une compagnie qui porte le nom de La Sourde… Ici impossible de faire la sourde oreille devant une telle implication musicale, qui offre une si belle place à l’harmonie et au récit. Les musiciens participent activement à l’exploration des flux, des corps et surtout de la logique et du réel, deux termes incompatibles avec l’univers de Samuel Achache.
Dans ce nouveau monde sans tambour, les pianos sont suspendus au plafond, les douches servent de portail magique pour disparaître, les conversations avec son coeur sont habituelles et chaque faute ou pas de travers n’est jamais irréversible car chez Samuel Achache… Be kind, rewind !