Avec Salle des fêtes, au Théâtre Public de Montreuil, l’auteur et metteur en scène Baptiste Aman fictionnalise le réel. Loin des grands héros du théâtre et comme dans ses précédents spectacles, il s’intéresse aux ordinaires. Un spectacle tendre, engagé et décalé qui fait du bien à l’imaginaire collectif.
Après la ville de banlieue, Baptiste Aman se déplace dans un milieu rural, au cœur d’un petit village agricole peuplé de moulins et de vieilles pointeries en mauvais état. L’action se déroule dans la salle des fêtes de la ville. Un espace à huis clos, accueillant le conseil municipal, le loto, la célébration de noël, le bal du printemps. Un lieu propice au collectif et aux confidences. Un lieu neutre pourtant chargé des âmes et des histoires de ceux qui le traversent.
Dans Salle des fêtes, Marion débarque dans ce microcosme avec sa compagne et son frère. Désireux d’une vie plus calme, ils s’installent dans une ancienne usine qu’ils comptent retaper pour en faire leur petit nid douillet. Seulement l’utopie d’un nouveau départ au vert sera freinée et effacée par la réalité financière, écologique et politique de leur nouvel environnement. Le trio pourra compter sur l’entraide et la solidarité des habitants du village qui se mobilisent malgré l’âpreté et la rudesse d’un quotidien qui leur échappe.
C’est avec beaucoup de tendresse et d’urgence que Baptiste Aman se penche sur un microcosme rural, un espace peu évoqué sur les planches des théâtres. Ces petites gens qui tentent de survivre à un système qui broie les êtres humains. Le metteur en scène sort des sentiers battus et des héros traditionnels. Il donne la parole aux agriculteurs invisibles, aux marginaux et à une jeunesse qui milite pour un meilleur avenir.
Les scènes s’enchaînent au rythme des saisons, comme chez Vivaldi. Les instants choraux laissent place à des portraits plus intimes qui dévoilent la solitude et la désillusion de ces habitants. Comme chez Tchekhov, une fatalité environnante semble avoir trouvé sa place.
Outre une parfaite maîtrise scénique, Baptiste Aman manie avec brio l’art de la plume. Mêlant engagement profond et poésie, il créait des moments de pure beauté qui suspendent le temps et apaisent les souffrances. Salle des fêtes permet de recréer du lien, de faire ensemble, de cesser de se craindre pour mieux se réinventer et se réaliser. Un spectacle citoyen dont le monologue percutant porté par Lisa Kramarz, intense et lumineuse nous restera longtemps en mémoire.