Le Iench, d’Eva Doumbia au Théâtre Public de Montreuil

Cette saison, le Théâtre Public de Montreuil offre une carte blanche à l’autrice et metteuse en scène Eva Doumbia. L’occasion de découvrir Le Iench, une déflagration poétique et politique. Un spectacle nécessaire, qui place la scène de Théâtre comme lieu essentiel de la dénonciation, de la prise de conscience et de l’action.

©-Arnaud Bertereau

L’année de ses onze ans, Drissa, Français d’origine malienne, emménage dans un pavillon de province avec ses parents, sa sœur jumelle et son petit frère. Il rêve de sa famille conforme aux images des publicités. Deux voitures dans le garage, le repas du dimanche midi, avoir le permis à dix-huit ans, danser en boîte de nuit, obtenir le baccalauréat et surtout avoir un chien, le symbole de l’intégration.

Mais parviendra-t-il à toucher du bout des doigts cette banalité et à échapper au rôle que la société lui assigne malgré tout ?

©-Arnaud Bertereau

À travers le combat de Drissa et des siens, c’est le difficile combat quotidien des personnages afropéennes invisibilisées qu’aborde Eva Doumbia. Elle décrit avec sensibilité et justesse le racisme systémique. Elle se penche sur les discriminations de notre société coupable de violences et d’injustices terrifiantes. Le Iench c’est une histoire universelle et intime, celle de vies volées et de douleurs familiales. L’impunité écœurante des forces de l’ordre. La mise en lumière des contrôles abusifs et inégaux selon la couleur de peau. Le manque d’explication sur les raisons de ces contrôles. Une étude récente souligne que les jeunes noirs et arabes se font contrôlés 20 fois plus que les autres et 6 fois plus que les blancs.

Dans Le Iench, pas de misérabilisme, seulement des faits, en miroir de tous les récents disparus. «  »Qui sera le prochain ? « , tourne en boucle dans nos têtes et nous donne la nausée. La metteuse en scène parvient à créer un spectacle très réaliste qui brouille les frontières. La fiction est présente mais le devoir, la nécessité absolue de dénoncer les inégalités et l’exclusion qui rongent notre société prend le pas sur l’illusion.

©-Arnaud Bertereau

Petit à petit le spectateur pénètre dans l’intimité de la famille de Drissa. Les portes de son foyer s’ouvrent et découvrent la force des liens familiaux et amicaux. Les différentes générations s’affrontent, les courants de pensées se heurtent mais tout ce microcosme reste soudé. Les jeunes veulent être maîtres de leurs destins. Choisir plutôt que subir !

©-Arnaud Bertereau

Les comédiens sont époustouflants d’authenticité. Nabil Berrehil, Olga Mouak, Frederico Semedo et Souleymane Sylla portent le spectacle avec une combativité bouleversante. Tendresse, humour décapant, malice, craintes et terreurs concrètes s’entremêlent pour porter le combat des abus et de la persécution. Leur niaque est renforcée par la mise en scène dynamique et pétillante d’Eva Doumbia, parfaitement à l’image de cette jeunesse virevoltante qui refuse le silence.

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