Welfare, d’après un film de Frederick Wiseman mis en scène par Julie Deliquet à La Villette – Paris

Julie Deliquet était la candidate idéale pour ouvrir la dernière édition du Festival d’Avignon dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Directrice du Théâtre Gérard Philippe et metteuse en scène amoureuse des fresques sociales, elle poursuit son travail de passage du cinéma à la scène théâtrale. En adaptant Welfare, un documentaire de Frederick Wiseman, qui poursuit sa tournée au Théâtre La Villette – Paris, elle signe un chef d’œuvre fracassant dont personne ne ressort indemne.

@Pascal Victor

L’action se situe en 1973 dans le bureau d’aide sociale new-yorkais. Julie Deliquet invite le spectateur à assister à une journée type, au cœur de cet espace qu’elle transpose dans un gymnase, un lieu souvent mis à disposition pour aider les plus démunis. Plusieurs personnages marginaux et souvent sans abris, archétypes d’une nation qui semble avoir abandonné une partie des siens, se succèdent. Une femme enceinte et mère célibataire, un vétéran, un couple de toxicomane, une fille et sa mère désemparée, un ancien enseignant… Ils sont l’incarnation des dysfonctionnements d’une démocratie qui creuse les inégalités. En marge du système, souvent réduits à la misère, ces personnages sont en quête d’identité et de réinsertion. Ils réclament leurs droits de citoyens américains et revendiquent par-dessus tout la valeur d’une dignité qu’ils tentent de conserver malgré leur misère.

@Christophe Raynaud de Lage

Les employés et les usagers se retrouvent démunis face à un système qui régit leur travail et leur vie. Un système administratif aux procédures incessantes et insensées dans lequel les contradictions fusent. Certains verront leur demande acceptée et recevront un chèque, d’autres n’ont toujours pas les papiers nécessaires pour constituer leur dossier. Les usagers sont ballotés entre les services et les intervenants. Ils jouent leur vie et tentent de conserver ce qu’ils leur restent de toit sur la tête. Certains n’ont pas mangé depuis des jours et sont affamés, d’autres cachent des bonbons dans des chaussettes.

Comme à son habitude, Julie Deliquet nous dépeint une fresque sociétale et sociale bouleversante. Les personnages sans filtres, à fleur de peau sont le miroir d’une partie de la société connue de tous mais ignorée par certains.

@Pascal Victor


La metteuse en scène fonctionne toujours en bande. Elle travaille avec des comédiens fidèles, qu’elle a l’habitude de diriger. Dans Welfare, la direction d’acteur et la performance des comédiens atteignent le sublime. Julie Deliquet parvient à adapter habilement ce documentaire tout en lui injectant une part de fiction, mais l’illusion est parfois totale. Sincérité et réalisme se mêlent et dissolvent les frontières avec le réel et notre présent. Les comédiens se mettent corps et âme au service de leurs personnages. La descente aux enfers de ces êtres misérables qui tentent de survivre nous percute en plein cœur.

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