Comment définir le Nouveau Roman ? Qui peut prétendre être de ses auteurs ? Quelle place occupent-ils à l’aube du XXIe siècle ?
Autant de questions que se pose Christophe Honoré ; autant de conversations qu’il aurait sûrement voulu entretenir avec les présumés concernés. Pour ce fait, il décide de réunir Michel Butor, Alain et Catherine Robbe-Grillet, Marguerite Duras, Claude Mauriac, Jérôme Lindon, Claude Simon, Nathalie Sarraute, Robert Pinget et Claude Ollier sur la scène du Théâtre de la Colline, afin de les interroger. Nouveau Roman les plonge dans un surprenant décor, semblable à une assemblée politique où ils sont confrontés à une scénographie réaliste, mêlée d’éléments de notre époque qui brouillent l’espace temps. La réflexion n’a plus aucune frontière. Ainsi, les auteurs d’aujourd’hui, comme Charles Dantzig ou Marie Darrieussecq, voient leur interview projeté sur les télévisions qui entourent la scène. Les nouvelles générations interrogent les piliers fondateurs d’un style littéraire novateur. Il y a cette volonté d’une confrontation entre les mentalités. Triste résultat que celui de constater que, malgré les années qui s’écoulent, la difficulté à être auteur ne s’amoindrit pas, bien au contraire. Débutent alors des débats autour de leurs écritures, de leurs perceptions de la place de la littérature dans leur société. Dans un contexte où la culture était sûrement plus centrale, dotée davantage de sens, ces auteurs décident de saluer Beckett et de brûler Balzac ! Ils s’interrogent sur la légitimité de chacun et sur la pérennité de leurs œuvres.
Quelles traces laisseront-ils ? Quelles voix feront-ils entendre cinquante années après leur mort ? Tous ces questionnements s’entremêlent au sein de cette collectivité, de cette famille recréée le temps d’une pièce. Bien plus qu’une séance littéraire, c’est la découverte de ces visages, de ces personnalités dont la plume a marqué les esprits. Ainsi, ils se retrouvent soudés et solidaires, dans une démarche de partage et d’échange qui trouve, malgré tout, ses limites. Chacun n’oublie pas la réalité de la concurrence qui agit entre eux. Aspirant tous au succès et au Prix Goncourt, ils se jugent constamment, sans gêne ni retenue. Dans sa mise en scène, Christophe Honoré a su trouver le juste milieu entre pensées intellectuelles et humour bon enfant. Chaque personnage est différent, représentant un passé et un présent palpables et conscients, ce qui donne de la crédibilité. Les comédiens ne semblent pas vouloir incarner Sarraute ou encore Duras dans une idée de mimétisme. Ils offrent simplement à ces auteurs des corps pour faire entendre leur voix éternelle. Cependant, leur direction semble centrée sur cet effet d’un théâtre témoignage, d’une pièce vérité qui tend malgré tout à rompre toute forme d’illusion. Les acteurs adoptent un langage naturel et spontané, qui semble être le leur, un phrasé quotidien qui déborde, hésite et s’impose car rien ne semble figé et délimité. Dans cette volonté de reconstitution d’un milieu littéraire, Christophe Honoré cherche à brouiller la fiction. Le spectateur a conscience qu’il ne s’agit pas des auteurs ressuscités, mais l’atmosphère que les comédiens créent instaure le trouble. Trop tenté de rejoindre le plateau pour participer à la conversation, on en oublie le préambule de présentation de la pièce, par Julien Honoré.
Mélangeant les époques et les points de vue, les talentueux comédiens parviennent à captiver l’attention du spectateur qui se retrouve plongé au cœur d’une problématique culturelle qui le poursuit encore à la sortie de la salle du théâtre.
Théâtre de la Colline
Nouveau Roman, écrit et mis en scène par Christophe Honoré
Avec Brigitte Catillon, Jean-Charles Clichet, Anaïs Demoustier, Julien Honoré, Annie Mercier, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Ludivine Sagnier, Mathurin Voltz, Benjamin Wangermée
Du 15 novembre au 9 décembre 2012