Savannah Bay, de Duras par Bezace

savannah bayC’était sûrement trop de bonheur d’un coup. Il fallait alors rejoindre la mort pour figer cet amour. Mourir pour conserver le seul lien qui les unira à jamais. Rejoindre la mer pour qu’elle seule s’immisce entre eux deux.

Savannah Bay, c’est un mot d’amour, une douleur ancrée dont on doit se souvenir sans cesse. L’histoire d’un amour absolu né dans la peur, sous le soleil d’une pierre blanche. Un amour ardent, innommable et sans limites. Un récit que la Jeune femme réclame sans cesse à Madeleine, pour que personne n’oublie. Une tragédie qui est son héritage et une mort, qui marquée dans ses chairs, lui a pourtant donné la vie. C’est une douleur qui renaît afin de mieux ressentir la force de cette passion sans mots.

Le duo qui succède à Madeleine Renaud et Bulle Ogier, n’entrave en rien la poésie de Marguerite Duras. Debout sur la scène du Théâtre de l’Atelier, Emmanuelle Riva et Anne Consigny respirent Duras. Bien que Didier Bezace ait opté pour une version contemporaine, dénuée de moments de suspensions et de silences perçants, l’adaptation est réussie et nous dévoile d’autres facettes de l’oeuvre.

L’accent est vraiment mis sur la relation entre les deux femmes et les différents rapports qu’elles entretiennent. La Jeune femme mène souvent la barque et pousse Madeleine à se souvenir. Entre rapports de force, tendresse, ignorance et égarement, l’amour et le besoin de l’autre, restent les seuls moteurs de leurs échanges.

Habitée par Duras depuis Hiroshima mon amour, Emmanuelle Riva a su saisir cet ailleurs qui habite la vieille femme. Oscillant entre souvenirs, lucidité et perte de repères, parfois simulées, elle fait raisonner la voix du temps qui s’écoule. Elle possède, naturellement, ce timbre feutrée et saisissant qui convient à la beauté du texte et à l’envoûtement qui s’en échappe. À ses côtés, Anne Consigny, l’épaule et la secoue, toujours avec affection et bienveillance, avide des bercements houleux de ses récits.

La mise en scène de Didier Bezace nous présente deux splendeurs de l’âge, deux comédiennes, un couple de femmes renfermant des vérités secrètes. Se rappelant de Savannah Bay, au sein d’une scénographie pure et simple, elles dessinent elles-mêmes leur décor et nous racontent, cet été-là, au bord de cette mer bleue, porte de la mort et créatrice funeste de tous les désirs.

 

Théâtre de L’Atelier

Savannah Bay, écrit par Marguerite Duras, mise en scène de Didier Bezace

Avec Emmanuelle Riva et Anne Consigny

Jusqu’au 5 juillet 2014

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

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