You are my destiny, d’Angélica Liddell au Théâtre de L’Odéon

you_are_my_destiny_04_brigitteenguerandPartant toujours d’une idée pertinente, pour sa nouvelle création « You are my destiny », Angélica Liddell s’inspire de la tragédie de Lucrèce, cette femme romaine qui se suicida à la suite d’un viol commis par Sextus Tarquin.

« Pourquoi une femme devrait-elle être vertueuse? ». Car s’il y a bien un sentiment que la metteuse en scène et comédienne semble rejeté, c’est la pitié. Pas d’apitoiement face à cette femme objet de désir. Pas de compassion pour son corps souillé et son déshonneur. Angélica Liddell participera à cette saleté, à cette orgie, cette démesure et y prendra plaisir. Détournant l’horreur de cet acte, le crime deviendra passion, le bourreau l’être aimé, et l’Histoire sera alors renversée pour atteindre le mystique.

Bouleversés par « Todo el cielo sobre la tierra », il y a plus d’une année, c’est avec hâte que nous attendions ce nouveau choc émotionnel, cette force irrationnelle qui émane de ce théâtre de la vie. Mais quelle déception et quel ennui s’échappent aujourd’hui de la scène du Théâtre de L’Odéon.

Depuis longtemps, nous avions assimilé l’utilisation du théâtre, du plateau, pour Angélica Liddell à un moyen d’évacuation de ses propres névroses, un lieu de thérapie. Cependant, ici, il semble ne s’agir que de cela. Le spectacle, puissant à certains moments, retombe aussitôt, parasité par un autocentrage agaçant et lassant.

Pourtant, à travers différents tableaux, une scénographie sublime et un magnifique chœur ukrainien, elle parvient à créer des instants de grâces, des peintures vivantes, proches du sacré et de l’éternité. Nous sommes visuellement, sensoriellement et intellectuellement emportés dans une spirale prenante qui est sans cesse freinée par des scènes de gesticulations inutiles, des provocations gratuites et incohérentes. Choquer pour choquer, quelle tristesse d’avoir entrouvert, à son tour, la porte de cette mode sans saveurs.

Elle qui nous avait tant offert, elle dont les ressources inépuisables et la finesse d’esprit nous avaient tant de fois surpris et émus. Elle qui nous avait pourvu du goût du temps suspendu. Aujourd’hui, nous repartons de cette expérience, avec des images et des sensations inachevées, déçus par le manque de traces que cela laisse en nous. Même cette fin délurée et joviale ne retirera rien à cette amertume à ce vide étonnant et cruel.

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

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