Les Larmes d’Oedipe, inspiré de Sophocle par Wajdi Mouawad au Théâtre de la Colline

les larmes d'oedipePassionné par Sophocle, en 2011, dans la Carrière de Boulbon à Avignon, Wajdi Mouawad, nous présentait « Des Femmes ». Une trilogie bouleversante, composée des Trachiniennes, d’Antigone et d’Electre. Six ans se sont écoulés et l’image d’Antigone et de Charlotte Farcet, qui s’emmure dans son propre tombeau, ébranle toujours mon esprit.

Le metteur en scène québécois, aujourd’hui nouveau directeur du Théâtre de la Colline, se tourne vers les héros et notamment Œdipe. Il s’inspire d’Œdipe à Colonne, de Sophocle et écrit Les Larmes d’Œdipe. Œdipe, aveugle et sur ses derniers souffles, trouve refuge à Athènes avec sa fille Antigone. Cachés dans un Théâtre, un lieu dont ils ignorent toute la signification, ils seront rejoints par un Athénien. Un jeune Coryphée contemporain qui est plongé en pleines émeutes de 2011, suite aux grèves nationales contre la politique de rigueur du gouvernement.

Le spectacle se déroule dans la grande salle du Théâtre de la Colline. La salle est plongée dans le noir complet. Pendant quelques minutes, une voix, celle d’un poète ancien s’exprime « Le monde croit voir et ne cesse de se crever les yeux quand il est trop tard ». Que voit-on lorsque nous sommes aveugles ? C’est alors qu’une violente et intense lumière nous aveugle complètement. Une rangée de projecteurs diffuse une lumière blanche qui nous force à baisser le regard. Bel effet de réflexion et de transposition réussi.

Les comédiens apparaissent, vaguement, derrière un rideau. Ils bougent à peine, leurs ombres se dessinent et prennent vie à la manière d’un songe. Les effets sont convaincants. Les ombres s’allongent et se multiplient, bougent en différé de leurs véritables silhouettes. L’ambiance est fantasmatique et propre aux charmes envoûtants de la mythologie. Les comédiens restent dans cette pénombre du début à la fin du spectacle. Ils conservent un mystère qui, au début attirant, se transforme en ennui et en relâchement total de notre attention. Il n’y a aucune dynamique, tout est dans la lenteur et le lointain, imperceptible. Nous entendons mais l’absence de corps, de vie et de luminosité, nous ferment les paupières. Les larmes d’Œdipe ne s’écouleront pas de nos yeux presque clos. Wajdi Mouawad nous a-t-il volontairement rendus aveugles pour développer nos autres sens ? Pour nous plonger dans la même expérience qu’Œdipe ?

© Pascal GELY
© Pascal GELY

Nous sommes pourtant bercés par la voix ensorcelante, déjà en 2011, de celle qui est toujours l’Antigone de Wajdi Mouawad : Charlotte Farcet. Des années plus tard, elle n’a pas perdu de sa rage et de ses désirs. À ses côtés, le ténor Jérôme Billy prend la place de Bertrand Cantat et injecte de la puissance et de la beauté.

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